Tuerie en N.-É.: la GRC n’aurait même pas songé à émettre une alerte à la population

HALIFAX — Le directeur du Bureau de gestion des urgences de la Nouvelle-Écosse a trouvé étrange que la GRC ait attendu si longtemps avant d’accepter d’émettre une alerte à l’échelle provinciale au sujet d’un homme armé, en avril 2020, qui a finalement tué 22 personnes lors d’une cavale de 13 heures.

La commission d’enquête sur la tuerie en Nouvelle-Écosse a publié mardi de nouveaux documents, dont un récent entretien avec le directeur du Bureau de gestion des urgences de la province.

Dans cet entretien avec les enquêteurs de la commission, le 15 février dernier, Paul Mason confirmait pour la première fois que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) n’avait pas envisagé d’utiliser le système «En alerte» jusqu’à ce que son bureau le suggère. Selon M. Mason, cette idée ne leur avait même pas traversé l’esprit.

«Je trouve surprenant qu’un événement puisse avoir lieu de 22 h 30 le samedi soir à 11 h 30 le dimanche matin et que personne n’ait pensé à une alerte, jusqu’à ce que nous les appelions.»

La GRC a confirmé que le texte d’une alerte, qui aurait été transmise à la plupart des radios, téléviseurs et téléphones cellulaires une fois approuvés par le Bureau de gestion des urgences, était en cours de rédaction lorsque le tireur a été abattu par la police dans une station-service au nord de Halifax, à 11 h 26 le dimanche 19 avril 2020.

La GRC a fait l’objet d’un examen minutieux pour sa décision de n’utiliser le système que longtemps après le début du déchaînement du tueur. La commission d’enquête a appris que la GRC s’appuyait largement sur Twitter pour émettre des avertissements publics sur ce qui se passait. Mais certains des proches des victimes se sont plaints que les avertissements sur les réseaux sociaux étaient peu utiles aux personnes vivant en milieu rural, où Twitter n’est pas si populaire.

De plus, des preuves publiées plus tôt ont confirmé que des officiers supérieurs de la GRC craignaient qu’une alerte publique plus large ne mette les policiers en danger en provoquant une «panique frénétique». La GRC a également laissé entendre que les répartiteurs du 911 auraient pu être submergés par les appels de citoyens en quête d’informations.

M. Mason a déclaré aux enquêteurs de la commission que son Bureau n’avait pris conscience de la gravité de la situation que le dimanche matin, à 10 h 17, lorsque la GRC a publié sur Twitter une photo du véhicule du tueur — une réplique d’autopatrouille de la GRC.

C’était alors la première fois que la GRC confirmait au public ce que plusieurs témoins leur avaient dit la veille lorsque le tireur, déguisé en policier fédéral, a tué 13 personnes à Portapique, avant de s’échapper de la région dans sa réplique d’autopatrouille, vers 22 h 45.

M. Mason a indiqué que son personnel avait tenté d’appeler la GRC le dimanche matin, sans succès. «En gros, nous n’avons pu joindre personne», a-t-il déclaré aux enquêteurs, ajoutant qu’il était surpris que la GRC n’ait pas contacté son Bureau de gestion des urgences.

«On n’avait pas besoin de tout savoir: on aurait simplement voulu savoir s’ils envisageaient de lancer une alerte à la population. Est-ce que ça s’appliquait dans les circonstances? Et à la lumière de ce qui se passait et du fait que cela ne se limitait pas à une seule région (…) nous aurions dit oui.»

La GRC a finalement rappelé à 11 h 20 pour confirmer qu’elle voulait utiliser le système d’alerte, a déclaré M. Mason. «Et puis, nous avons reçu la notification peu de temps après que (le tueur) était détenu.»

Selon M. Mason, la GRC était bien consciente des capacités de ce système d’alerte à la population. Trois ans plus tôt, elle avait rejeté une offre du Bureau d’assumer elle-même la responsabilité d’émettre des alertes.