3e lien: pas parfait, mais nécessaire

La nouvelle mouture du 3e lien Québec-Lévis, annoncée la semaine dernière, a aussi ses échos dans la région. Naturellement, certains jugent que c’est une bonne nouvelle tandis que d’autres demeurent critiques vis-à-vis le projet.

L’un de ceux qui accueillent favorablement le projet est le préfet de la MRC de Bellechasse, Yvon Dumont, pour qui un 3e lien est plus que nécessaire. « Seulement le fait d’avoir un lien, de quelque nature que ce soit, est une bonne nouvelle. Le gouvernement a fait un choix d’y aller avec une gestion dynamique des voies. Ça aurait peut-être dû être pensé avant, sauf que nous n’étions pas dans les mêmes époques. »

La sortie sur Dufferin-Montmorency est une bonne nouvelle à son avis. « Quand ça nous a été présenté il y a un mois, ça a été une belle surprise. Je n’ai pas les compétences pour juger de certains éléments, mais j’imagine que le gouvernement a fait ses études et considère que c’est plus approprié comme option, même si certains ingénieurs semblent sceptiques. »

Pour lui, il est indéniable qu’un 3e lien permettra à plusieurs de sauver du temps et aura d’autres effets bénéfiques. « On va pouvoir faire traverser des camions de marchandises qui, en plus de sauver du temps, font qu’on diminuera la production de GES du même coup. Ce n’est pas parce que nous sommes sur la Rive-Sud que nous ne sommes pas sensibles à ça. La gestion intelligente du tunnel va contribuer à cela. »

Pour la Chambre de commerce de Lévis, le souhait est simple. Un projet maintenant pour répondre aux besoins d’aujourd’hui et qui saura s’adapter à ceux de demain. « Par rapport au tracé, nous ne sommes malheureusement pas experts en génie civil. Nous faisons donc confiance au gouvernement pour nous proposer le meilleur projet possible tout en s’appuyant sur l’avis d’experts », résume Isabelle Lavallée, conseillère aux communications de la Chambre.

Elle ajoute que le lien est intéressant, car il permettra aux transporteurs routiers et au transport en commun d’y avoir accès. « Tout porte à croire que seules certaines matières dangereuses ne seront pas autorisées à transiger par le tunnel Lévis-Québec. Nous ne détenons pas les données exactes quant au ratio de ces matières, mais selon nous, il s’agit d’une faible proportion comparativement aux gains pour le transport des autres marchandises, le transport des personnes, ainsi que le transport en commun inter-rives. »

Des sceptiques

L’ingénieur Jacques Huot travaille sur l’idée d’un lien Québec-Lévis depuis des années. Il avait d’ailleurs présenté le fruit de sa réflexion aux élus de la MRC de Bellechasse il y a quelques années. Ses conclusions sur le financement et la faisabilité d’un projet menaient surtout vers un lien à l’Est, passant par l’île d’Orléans.

À première vue, la nouvelle version du tunnel ne reçoit pas son approbation en raison de diverses irrégularités techniques et budgétaires. « Encore une fois le budget annoncé est carrément faux. Cette version 6 du projet demandera plus de béton que la version 5. Aussi, le coût final en 2033 sera plus élevé de 34 % par rapport aux valeurs courantes de 2022. Je vous annonce un budget de 25 milliards en 2033 ou 19 milliards en 2022. »

Selon ses observations, l’aspect sécurité a été négligé. « Nous observons un profil vertical 3D qui est faux, car les normes de conception ne sont pas respectées et les coursives de sécurité sont manquantes pour évacuer les passagers vers l’autre tunnel si un feu ou un accident se produit. C’est obligatoire. Il y en aurait une à chaque 200 mètres, donc 66, car ce tunnel doit avoir 13 km pour respecter les pentes de 3 % et partir à 2.5 km au sud de la A-20 et sortir environ à la hauteur du boulevard de la Capitale, car c’est le seul endroit possible. »

Il évalue le nombre de déplacements possibles à 52 000 véhicules quotidiennement, tandis que le ministre Bonnardel parle plutôt de 55 000. Selon lui, le transport en commun ne pourra occuper une voie de circulation en période de pointe et la demande de passagers ne sera jamais assez élevée pour justifier de monopoliser une voie de circulation en période de pointe.  « La gestion dynamique des voies est inutile, car seule une voie sera utilisée partiellement en période de pointe. Pour remplir une voie, le besoin actuel correspond à 48 SRB avec départ de Lévis aux quatre minutes et avec 260 personnes. Le départ de Québec représenterait une demande de 10 000 passagers en période de pointe. Il faudrait donc environ 60 autobus en rotation durant les deux périodes de pointes chaque jour. Il n’y a aucun besoin de gestion dynamique des voies. Les camions lourds ne circulent plus durant les pointes à Québec. »

Le bon projet ?

Est-ce le bon tracé, le bon projet ? Yvon Dumont indique que le comité du 3e lien de la MRC de Bellechasse pourrait se rencontrer bientôt, maintenant que les grandes lignes du projet ont été annoncées. Il ajoute vouloir rencontrer le maire de Lévis, Gilles Lehouillier, au préalable. « On a du travail à faire. À mon avis, notre rôle n’est pas de critiquer le projet à savoir si c’est la meilleure mouture possible. Nous n’avons pas les compétences. On doit appuyer notre gouvernement dans ce projet et crier haut et fort que ce lien sera rentable autant pour Bellechasse que pour le Québec. »

Selon M. Dumont, l’argument de l’étalement urbain ne doit plus faire partie de l’équation, même si le maire de Québec, Bruno Marchand, l’utilise à toutes les sauces. « Pour moi et pour les maires de Bellechasse, nous sommes en faveur d’un troisième lien et l’étalement urbain, personne ne croit à cela. Ça existe autant que les invitations que font les villes à nos citoyens d’aller demeurer sur leur territoire. Il y a plein de condos qui poussent comme des carottes en ville et ils sont pleins. M. Marchand ne comprend pas que des citoyens puissent choisir d’aller vivre ailleurs qu’à Québec. Qui est-il pour empêcher les gens de traverser les ponts ? Il a beau dire qu’il aime venir faire du vélo sur notre piste cyclable, mais moi, je ne l’ai jamais vu dans Bellechasse, de toute façon. »

Quant aux excuses publiques qu’il avait réclamées du nouveau maire de Québec, M. Dumont ne croit pas les recevoir un jour. « Nous étions dans la même salle lors de la présentation et il est passé devant moi sans ne jamais me regarder. Je ne les aurai jamais, je ne les attends plus. Je vais toujours me faire plaisir de commenter certains dossiers. »