Angélica Fournier invite les victimes d’abus sexuels à dénoncer
TÉMOIGNAGE. Victime d’attouchements sexuels et d’agressions dans son enfance, Angélica Fournier de Saint-Damien publiait récemment, sur YouTube, une vidéo touchante dans laquelle elle raconte son histoire et invite les autres victimes, comme elle, à dénoncer leurs agresseurs.
Cette vidéo de 14 minutes a fait boule de neige sur les réseaux sociaux puisqu’elle a été vue plus de 26 000 fois par le biais de sa page Facebook. Plus important encore, au moins cinq victimes l’ont contactée pour lui annoncer qu’elles avaient eu le courage de porter plainte contre leur agresseur, grâce à la vidéo. Du nombre, on retrouvait également un jeune garçon.
Avec beaucoup d’aplomb, malgré ses 16 ans, Angélica Fournier y raconte comment une partie de son enfance a été bousculée par cinq années d’agressions de la part de son ex-beau-père qu’elle a dénoncé alors qu’elle avait 13 ans, après des années de silence.
Au bout d’un processus judiciaire qui a duré un an et demi, ce dernier a plaidé coupable à des accusations d’attouchements et d’agression pour une période de deux ans (7 à 9 ans), pour laquelle il avait reconnu les faits. «À la fin, en plaidant coupable, on évitait le procès. J’étais malgré tout prête à aller en cour, même si cela aurait été difficile», mentionne Angélica.
«J’avais oublié bien des choses. Plus j’avance dans le temps, d’autres souvenirs me reviennent en tête. Je sais que ça a duré plus longtemps que les deux ans discutés en cour, mais j’étais en accord avec les accusations déposées», ajoute-t-elle.
L’histoire d’Angélica
Angélica Fournier raconte que c’est à l’approche de ses 7 ans que les attouchements ont débuté, soit après la séparation de ses parents qui avaient tous les deux refait leur vie avec de nouveaux conjoints. «Mon ex-beau-père était quelqu’un qui paraissait bien. Il faisait à manger et le ménage, il jouait avec nous et il semblait vraiment parfait. Il profitait du moment où tout le monde dormait, ou avant que ma mère revienne du travail, pour commettre les agressions», mentionne-t-elle.
Elle ajoute qu’au départ, son agresseur lui présentait cela comme un jeu. «Maintenant que je suis plus vieille, je me dis que j’ai été naïve, car je ne comprenais pas ce qu’il faisait à ce moment. Il me donnait de l’attention, mais avec le recul, je me rappelle que je trouvais long. Quand il m’agressait, j’avais un cadran que je passais mon temps à regarder en attendant que ça passe. Je voulais le dénoncer, mais je ne savais pas comment il allait réagir.»
Comme bien des victimes, Angélica avait peur et appréhendait ce moment de la journée où son agresseur venait dans sa chambre. «J’essayais de me débattre, mais il n’y avait pas grand-chose à faire, il était plus fort que moi. Je vivais constamment sous la menace. Je ne parlais pas et je me disais que c’était comme cela.»
C’est vers l’âge de 11 ans que le cauchemar de la jeune fille s’est arrêté. Après que le couple se soit séparé, il est arrivé à Angélica d’aller chez son ex-beau-père soit pour l’anniversaire de son demi-frère ou pour le garder. C’est souvent à contrecœur qu’elle acceptait, mentionne-t-elle, en sachant ce qui se passerait par la suite. «Quand j’ai fait comprendre à ma mère que je ne voulais plus y aller, c’est à ce moment que les agressions ont cessé», souligne Angélica qui a gardé le silence sur ces événements pendant deux autres années.
En 2013, à l’âge de 13 ans, elle se confiera d’abord à une amie à qui elle racontera son histoire par le biais d’un échange de textos. Puis c’est par hasard que son père découvrira cette correspondance. Rapidement, une discussion s’est entamée avec ses parents. Des plaintes ont été déposées auprès des policiers qui ont procédé à l’arrestation de l’individu.
«Mon petit frère allait avoir 7 ans et de façon naturelle, j’ai décidé qu’il était temps de parler afin de le protéger, car c’est à cet âge que les agressions me concernant ont vraiment débuté», affirme la jeune fille qui reconnaît que ce pas, difficile à franchir, était nécessaire.
Tout au long des démarches judiciaires, Angélica dit avoir reçu l’appui de ses parents, d’abord, mais de plusieurs membres de son entourage, dont son copain avec qui elle a commencé à sortir peu après avoir dénoncé son ex-beau-père. Ce dernier l’a accompagné dans toutes ses démarches et continue à le faire aujourd’hui.
En Cour suprême
Comme Angélica était mineure au moment des faits, son identité n’a jamais été dévoilée. C’est en début d’année 2018, alors qu’elle souhaitait partager publiquement son histoire, que l’adolescente a lancé les démarches visant à faire lever cet interdit de publication. Après un premier essai infructueux au Palais de justice de Montmagny, elle a dû se tourner vers la Cour suprême qui, lors d’une audience par vidéoconférence, a rapidement accédé à sa demande, comme elle l’avait fait pour de nombreuses victimes auparavant.
«Le dossier était clos à la cour criminelle et il aurait fallu que je fasse la demande avant le prononcé de la sentence. Le juge m’a dit d’aller en cour suprême. Dans 99 % des cas, ils disent oui, car ils comprennent que c’est une thérapie pour les victimes», précise la jeune fille qui mentionne que son agresseur était présent à l’audience.
Fait à souligner, autant dans la vidéo que dans l’entretien avec La Voix du Sud, jamais Angélica ne prononcera le nom de son agresseur. «Je n’ai pas fait cela pour lui faire du mal, dira-t-elle, car je ne me rabaisserai jamais à son niveau. J’ai fait cela pour moi, pour inciter les victimes à parler ou même permettre à quelqu’un qui aurait une déviance sexuelle de comprendre ce qu’il faisait.»
Dans le futur, Angélica aimerait donner des conférences et devenir psychologue spécialisée auprès des victimes de crimes sexuels. «Je pense que le meilleur soutien qu’une victime puisse avoir, c’est de parler avec une personne qui a vécu la même chose et qui s’en est sortie», lance-t-elle.