Bois d’œuvre: les scieries de la région incluses malgré tout
AFFAIRES. L’industrie canadienne du bois d’œuvre devra continuer de payer des tarifs imposants pour acheminer son produit au sud de la frontière. Généralement exemptées, les scieries québécoises situées près de la frontière avec les États-Unis devront elles aussi assumer ces tarifs.
Dans une décision rendue récemment, le département américain du Commerce a finalement établi à 20,83 % les droits compensatoires plutôt qu’à 26,75 %, comme décrété il y a quelques mois. Le verdict des Américains est décrié par plusieurs, dont les gouvernements canadien et québécois qui estiment la décision déraisonnable et injustifiée. Ils ont d’ailleurs indiqué leur intention de contester cette détermination finale.
Selon Martin Ladouceur de l’Association des propriétaires de boisés de la Beauce (APBB), la plus grande déception dans cette décision réside dans le fait que les scieries frontalières ne soient pas exclues, contrairement à ce qui était observé dans le passé. «La très grande majorité s’approvisionne de bois en forêt privée et très souvent aux États-Unis. C’est pourquoi ils étaient exclus dans le passé. C’est donc un peu aberrant d’avoir à payer des droits compensatoires sur du bois acheté de l’autre côté de la frontière.»
Jacques Bussières de Produits forestiers DG de Sainte-Aurélie confirme que cette décision aura des impacts. «On subit effectivement les contrecoups de la décision des Américains, même si 80 % de notre approvisionnement provient des États-Unis. Ça ne semble pas impartial. Nous avions toujours été exemptés dans le passé, car il avait été démontré hors de tout doute que le bois que l’on achète n’est pas subventionné. Malheureusement, les frontaliers ont toujours été inclus dans ces conflits, car nos compétiteurs sont américains. C’est simpliste, mais nous sommes comme un petit bateau qui se fait ramasser par la vague.»
La demande pas en cause
S’il observe que la demande pour le bois transformé au Québec n’est pas en danger, Martin Ladouceur estime tout de même que plusieurs y perdront au change. «Nous sommes dans une situation où ces droits ne sont pas justifiés. Ça vient modifier le marché et ce n’est pas à l’avantage de personne.»
Les producteurs et les consommateurs, autant américains que québécois, sont davantage perdants à son avis. «Ça touche les producteurs, car ils doivent payer les droits compensatoires. L’impact est moins visible, car tout ça survient au même moment où le prix du madrier est à la hausse aux États-Unis, alors ils obtiennent à peu près les mêmes conditions qu’à pareille date l’an dernier. Le fournisseur de bois vend son matériel au même prix qu’avant la hausse du prix du madrier et le scieur se tire bien d’affaire, mais n’a pas augmenté sa marge de profit.»
Il n’y a ainsi pas de baisse de livraison en vue malgré tout selon M. Ladouceur. «La demande est grande aux États-Unis en raison des événements survenus au cours des derniers mois, pensons aux ouragans qui ont frappé le Sud-est américain»
M. Bussières confie avoir confiance que des pourparlers permettront aux scieries frontalières d’obtenir gain de cause avec le temps et que le gouvernement canadien pourra parvenir à faire entendre raison aux américains. «La ministre Freeland fait du bon travail et elle a du caractère. En 2006, plusieurs ont obtenu des exclusions, même si leur approvisionnement n’était pas majoritairement en provenance des États-Unis.»