Claude Lachance tirera sa révérence en novembre

POLITIQUE. Le maire de Saint-Nazaire, Claude Lachance, mettra un terme à une carrière politique de plus de 45 ans en novembre prochain, ayant pris la décision de ne pas solliciter un nouveau mandat.

Enseignant de profession, M. Lachance est bien connu dans la région à la fois pour ses fonctions en politique municipale, mais aussi parce qu’il a assumé trois mandats à l’Assemblée Nationale à titre de député de Bellechasse, étant élu une première fois en 1981 sous la bannière du Parti Québécois. Défait en décembre 1985, il a retrouvé ses fonctions de député en septembre 1994 pour finalement quitter en avril 2003.

La politique, il est tombé dedans quand il était tout petit, pourraient imager certaines personnes de son entourage. «J’avais 10 ans à mon premier contact avec la politique. L’un de mes compagnons de classe, Régis Pelchat, m’a demandé si nous étions «libéral» ou «national» (Union Nationale). Je n’en avais aucune idée. J’ai posé la question à mon père pendant un dîner et il m’a dit «on est national». J’étais un peu surpris, car mon ami m’avait dit que lui, il était libéral. J’ai voulu savoir la différence entre les deux.»

Même s’il n’avait pas une importante documentation à sa portée, il a réussi à parfaire ses connaissances sur le sujet. «À l’époque, nous avions très peu de volumes chez nous, mis à part le journal Le Soleil et l’Almanach du Peuple. J’ai commencé à lire des sujets à saveur politique en pleine campagne électorale à ce moment-là. C’est là que j’ai découvert que notre député était Jos D. Bégin dans Dorchester.»

Il a continué à étudier la chose pendant tout son cheminement scolaire. «Au secondaire et au Collège de Lévis, j’ai continué à m’y intéresser. Lors de l’élection de 1962 déclenchée par Jean Lesage et qui a porté sur la nationalisation de l’électricité, comme l’élection avait lieu au milieu de l’année scolaire, nous avions fait une campagne électorale où les étudiants devaient se prononcer entre les bleus et les rouges, un peu comme aujourd’hui. Mon intérêt était grandissant.»

Souverainiste et finalement député

Ses convictions nationalistes se sont développées lentement. M. Lachance estime que l’un des moments charnières de la politique dans Bellechasse est survenu lorsque le candidat du Parti Québécois dans Bellechasse à l’époque, Me Guy Bertrand, avait réussi à convaincre son chef, René Lévesque, de lui rendre visite à Lac-Etchemin, car il était l’une de ses vedettes. «J’ai vraiment commencé à militer au sein du Parti Québécois dans les dix derniers jours de la campagne de 1970. Le parti a réussi à se créer une certaine base de militants grâce à la visite de M. Lévesque.»

Il est finalement devenu président du Parti Québécois de Bellechasse en 1973, à la suite de la scission du comté de Dorchester. «J’ai appelé la permanence du parti et j’ai pu parler avec M. Lévesque, où je lui ai manifesté mon intérêt à me présenter. Il m’avait demandé ce que je faisais dans la vie et je lui ai dit que j’étais enseignant. M. Lévesque m’avait répondu que des professeurs, il y en avait assez.»

L’affirmation de son chef l’a incité à ajouter quelques cordes à son arc. Il a finalement été élu maire de Saint-Nazaire en novembre 1973. «Quelques jours plus tard, je devenais directeur adjoint à la Polyvalente de Saint-Damien. J’avais compris que si j’étais uniquement professeur, j’aurais de la difficulté à me faire accepter par les instances du parti. En 1977, je suis devenu préfet suppléant et en 1979, préfet. En 1980, lorsqu’est venu le temps de choisir un candidat dans Bellechasse, j’avais acquis mes lettres de noblesse et M. Lévesque avait donné sa bénédiction.»

Il allait finalement devenir député du Parti Québécois dans Bellechasse en 1981. «C’était un moment particulier, car c’était après le référendum. Il y avait toutefois eu une vague péquiste, même si au début de la campagne. Personne ne croyait que nous serions élus. Possiblement que si Raymond Garneau était devenu chef du Parti Libéral plutôt que Claude Ryan, j’aurais perdu, car son épouse était de Saint-Anselme.»

Défait en 1985 par la libérale Louise Bégin, il est retourné à l’enseignement à titre de directeur des écoles primaires de Saint-Damien et Saint-Nazaire. Défait par une centaine de voix en 1989, il obtient la confiance du nouveau chef de son parti, Jacques Parizeau, pour se représenter en septembre 1994 où il remportera deux élections consécutives.

Son élection en 1981 à titre de député de Bellechasse est un incontournable parmi ses meilleurs souvenirs. «C’est survenu aussi à un moment particulier, alors que mon épouse (Jacinthe Bruneau) avait donné naissance à Bruno, notre troisième enfant, quelques mois auparavant. Il est clair que si Jacinthe ne s’était pas occupée des enfants, je n’aurais pu faire carrière en politique.

Sa plus grande déception aura été de ne pas voir le Québec devenir un pays pendant qu’il était en fonction. «J’ai mis beaucoup de temps avant d’adhérer à cette cause, mais avec mes connaissances en histoire et tout, j’étais convaincu qu’en 1995, cela se produirait. La performance du OUI dans Bellechasse à ce moment-là m’avait aussi beaucoup déçu. Seulement deux députés du Parti Québécois n’avaient pas obtenu de majorité dans leur circonscription et j’étais l’un de ceux-là».

Estimant avoir fait de son mieux, Claude Lachance espère que sa contribution à sa localité et à sa région sera reconnue même si dans certains cas, il aura évolué dans l’ombre. «L’une de mes déceptions est que j’ai été celui qui a amené des munitions importantes pour lancer le projet de Parc du Massif du Sud en 1985. Cela avait permis d’acheter des terrains privés avant que la spéculation ne débute. Je n’ai jamais reçu de crédit pour ça de la personne qui m’a succédé.»

Un retrait progressif

S’il quittera ses fonctions publiques, Claude Lachance entend toutefois demeurer actif un certain temps. «Je suis encore membre de certaines organisations. Je ne quitterai pas tout ça en même temps. Il y a certains comités sur lesquels je pourrai siéger, non pas à titre d’élu, mais de citoyen».

Adepte d’histoire et de généalogie, il aura davantage de temps à consacrer à ses deux passions. «Je suis encore sur le comité des archives de l’Assemblée Nationale à titre d’ancien parlementaire. C’est un côté qui me plaît beaucoup. Je ne peux toutefois envisager maintenant tout ce qui est possible».

Défendre Bellechasse à Québec

Le 9 juin 1995, Claude Lachance a été impliqué dans un incident qui a eu un impact politique important à l’époque où il était député de Bellechasse à l’Assemblée Nationale. L’événement est possiblement ce qui l’a empêché de devenir ministre.

«Il y avait un projet de formation de conduite d’engin de chantier qui devait voir le jour à Saint-Raphaël. La décision avait été prise par Jacques Chagnon, alors ministre de l’Éducation dans le gouvernement libéral de Daniel Johnson. Après l’élection, le nouveau ministre, Jean Garon, a décidé de mettre la hache là-dessus sous prétexte que cela coûtait trop cher. Le projet serait finalement réalisé, mais à Saint-Romuald. Je n’étais pas de bonne humeur.»

Sa réaction et la manière dont il a défendu le dossier publiquement ont passablement retenu l’attention à l’époque. «J’ai essayé par différentes façons d’avoir des réponses, mais en vain. J’ai regardé quelle était la sanction pour avoir dit à un ministre qu’il avait menti. Tu n’as pas le droit de dire cela à l’Assemblée Nationale. C’était indiqué qu’il y avait perte du droit de parole pour le reste de la séance en cours.»

Son échange à l’Assemblée Nationale avec le ministre Garon allait dorénavant faire partie de l’histoire. «C’est rare qu’un député ministériel pose une question. J’ai levé la main pour indiquer mes intentions et les libéraux étaient persuadés que c’était commandé. J’ai posé ma question tout en connaissant la réponse. Il m’avait répondu que c’était trop cher, etc. J’ai répondu que c’était faux et qu’il avait menti. Tous les députés libéraux m’ont applaudi. Jamais dans l’histoire du Parlement à Québec un député n’avait lancé à un ministre de son parti qu’il avait menti devant tout le monde.»

Convaincu d’avoir fait la bonne chose, Claude Lachance, attribue tout de même l’incident au fait qu’il n’a jamais pu accéder à des fonctions ministérielles. «À partir de ce moment, je suis tombé sur la «blacklist» pour devenir ministre, car j’étais délinquant. J’ai toutefois gagné le respect des députés qui me voyaient comme celui qui était là pour défendre Bellechasse à Québec et non l’inverse.»

Il est convaincu qu’il avait le talent, le bagage et les compétences pour accéder au Conseil des ministres, sauf que d’autres facteurs l’ont empêché d’avancer dans l’échiquier. «Quand tu examines ceux et celles qui sont choisis, que tu regardes leur façon de travailler, leur comportement et que tu constates que tu aurais pu faire le travail, c’est décevant. M. Lévesque m’avait dit qu’il aurait bien aimé à un moment donné me nommer, mais il y avait déjà Adrien Ouellet, Jean Garon et Rodrigue Biron en Chaudière-Appalaches. Il m’avait vu travailler et je pense qu’il avait apprécié, mais il n’y a pas eu de suite.»