Des augmentations de valeur exagérées estiment des propriétaires boisés

TAXES. Des propriétaires de lots boisés de la région comprennent mal les augmentations qu’ils ont observées sur leur plus récent état de compte de taxes municipales. Certains doivent assumer des hausses variant de 40 à 50 % de leur facture comparativement à l’an dernier.

La plus récente évaluation triennale réalisée au cours de la dernière année dans sept municipalités de la MRC de Bellechasse (Armagh, Buckland, Saint-Nérée, Saint-Philémon, Saint-Charles, La Durantaye et Saint-Vallier) est au cœur de l’augmentation de la valeur réelle de leurs propriétés. Cette valeur servira les municipalités pour établir les rôles des années 2018, 2019 et 2020. Saint-Nazaire, Saint-Léon, Saint-Malachie, Honfleur, Saint-Damien, Saint-Lazare, Sainte-Claire et Saint-Henri seront à leur tour harmonisés au cours de la prochaine année.

Que les propriétés augmentent chaque année est normal selon nos intervenants. Le taux de taxes n’est pas le problème, mais plutôt la hausse soudaine de l’évaluation municipale de leurs propriétés estime Gérald Mercier de Saint-Damien, propriétaire de plusieurs lots dans la région. «Il n’y a pas beaucoup de choses qui montent de 51 % de ce temps-ci. Dans le passé, nous avons vu des hausses d’évaluation qui étaient tempérées par une baisse du taux. L’augmentation du compte de taxes était plus facile à absorber. Ce que l’on voit cette année, ce sont des hausses importantes de la valeur des propriétés et peu ou pas d’écart sur le taux d’imposition». En effet, la municipalité de Buckland n’a pas pondéré son taux de taxe contrairement à Armagh et Saint-Philémon par exemple.

Des augmentations substantielles

Normand Fontaine de Buckland habite sur une propriété qui est moitié boisée et l’autre moitié en culture. Cette dernière portion est prêtée à un agriculteur qui s’en sert pour exploiter. «Je ne demande aucun revenu de cette personne, sinon le retour de taxes auquel il a droit comme agriculteur. Ce montant-là a baissé par contre contrairement au reste. L’an dernier, ma propriété était évaluée à 60 000 $ et j’ai reçu un retour de 450 $. Cette année, je monte à 90 000 $ et j’ai un retour de 200 $.»

D’autres intervenants ont illustré avoir remarqué que la valeur réelle de leur propriété est passée de 95 000 $ à 132 000 $, pour près de 40 % d’augmentation, ou de 64 000 $ à 92 000 $ uniquement en raison de la nouvelle évaluation à titre d’exemple. À Saint-Philémon, l’un des propriétaires illustre que son compte de taxes augmente tout de même de 32 %, malgré la baisse du taux voté par la municipalité.

Normand Morissette a acheté une propriété à Buckland il y a deux ans. «Nous avons payé 58 000 $ pour un demi-lot de 55 arpents avec un petit chalet dessus. L’évaluation était alors à 64 300 $. Il est maintenant évalué 84 700 $. Ça fait un léger changement.»

Selon eux, il y a un danger que les gens de la campagne ne puissent plus avoir accès à ces propriétés. «Nous sommes pénalisés parce que quelques acheteurs venus de la ville ont acheté des propriétés à gros prix. Pour les personnes qui veulent rester ou conserver une terre au sein de la famille, ce sera de plus en plus difficile, pour ceux qui veulent continuer de l’exploiter pour leur propre plaisir et celui de leurs enfants par exemple.»

Pas seulement dans Bellechasse

La plus récente évaluation triennale réalisée au cours de la dernière année est au cœur de l’augmentation de la valeur réelle de certaines propriétés

Le directeur général du Syndicat des propriétaires forestiers de la région de Québec,  Jean-Pierre Dansereau, indique que la situation existe ailleurs au Québec. «C’est une problématique qui est connue et observée depuis quelques années, mais qui s’est accélérée depuis une quinzaine d’années. Le monde agricole et la villégiature le constatent également.»

Selon lui, une demande soutenue pour les lots boisés est au cœur de la situation. «La demande a toujours été là. Ce qui a changé, c’est qui est intéressé à les acheter. De plus en plus, les gens qui en font l’acquisition n’ont pas comme première motivation la production forestière. Il y a des villégiateurs et des investisseurs fonciers. Ces gens sont prêts à payer un prix plus élevé que celles ceux qui comptent sur la valeur productive d’une propriété et la capacité de vendre du bois. Parallèlement à ça, les propriétés des villages ne suivent pas la même courbe et les deux sont dans la même catégorie d’évaluation.»

Plusieurs associations forestières au Québec questionnent d’ailleurs la façon de faire à l’heure actuelle selon M. Dansereau. «On souhaite des mesures qui vont encourager le maintien des fonctions productives de ces territoires. Que cela ne devienne pas que des lieux de villégiatures ou en attente d’être vendus. Ça met effectivement en danger l’avenir pour les familles actives qui espèrent perpétuer la tradition.»

Rétablir la valeur réelle

Évaluateur à la MRC de Bellechasse, Marcel Godbout a rencontré plusieurs propriétaires qui déplorent la situation au cours des dernières semaines. Il a répété à tout le monde que ce n’est pas la faute des municipalités, ni de la MRC. Il ne s’agit qu’un retour des choses. «Nous sommes régies par la loi sur la fiscalité municipale qui dit que l’évaluateur doit refaire une évaluation selon la valeur réelle d’une propriété. Comment fait-on pour l’établir? On regarde ce qui se vend dans le voisinage et à partir de l’information que l’on a sur les propriétés, il y a un calcul qui se fait tout simplement.»

Il précise que c’est avec la valeur d’une propriété qu’on établit la taxation à imposer, car les municipalités financent les services qu’elles donnent avec les taxes. «Nous faisons de l’évaluation de masse, par unité de voisinage. C’est un regroupement de propriétés semblables, situées près l’une de l’autre. Ce n’est pas l’évaluateur qui établit la valeur d’une propriété. Ce sont les gens qui achètent dans un voisinage donné.»

Il ajoute qu’avant, cette démarche se faisait chaque année. «L’avènement des rôles triennaux visait à stabiliser les budgets des municipalités et ceux des citoyens pour une période de trois ans.»

Le rôle de la MRC et de son évaluateur est uniquement d’établir la valeur réelle d’une propriété et de rechercher une équité entre chacun des groupes de propriétés précise M. Godbout. «Si quelqu’un paye moins de taxes à un endroit, quelqu’un d’autre doit payer plus. Tout est lié à la valeur réelle des propriétés. Si les gens qui possèdent un lot boisé ou une érablière, ou celles et ceux qui demeurent en villégiature paient plus cher, les gens qui demeurent dans les villages ont possiblement vu leur compte à la baisse. Pourquoi, possiblement parce que les résidences se vendent moins cher. Le rôle triennal vient toujours rééquilibrer les choses trois ans plus tard.»

Il précise que les propriétaires qui se questionnent peuvent contester la valeur qui a été déterminée pour leur propriété. Ils ont jusqu’au 30 avril peuvent faire une demande de révision de l’évaluation foncière. «La demande viendra dire simplement que ça ne vaut pas ce qui est inscrit. Peut-être que des choses étaient inconnues au moment de l’évaluation.»