Des travailleurs immigrants infidèles aux entreprises de la région

ENTREPRISE. Des entrepreneurs de la région déplorent l’attitude de quelques travailleurs étrangers qui, une fois au pays, quittent pour s’établir ailleurs en province.

L’un d’entre-eux indique avoir perdu quelques travailleurs d’une même nationalité au cours des derniers jours au profit d’une entreprise de la région de Montréal. Plus d’une vingtaine de travailleurs sur les 85 à l’emploi de l’usine proviennent de l’étranger, soit du Maroc, de la France, des Philippines et du Nicaragua.

«Nous avions 17 travailleurs d’une nationalité et quatre sont partis. Il en reste tout de même 13 et six autres se joindront à l’équipe cette année. Certains ont quitté vers Montréal pour 2 $ de plus l’heure. Le coût de la vie est beaucoup plus important là-bas, mais ils ne saisissent pas ça.»

Selon lui, une problématique de maraudage se dessine à l’horizon. «Nous avons communiqué avec l’entreprise en question et ils se foutent carrément de nous dans Bellechasse. Elle vit sa réalité à elle qui est pourtant d’être accotée sur le plus gros bassin de chômeurs au Québec et la façon la plus simple pour elle est de venir les chercher chez nous. Un ou deux partent et l’effet domino provoque le reste.»

Recruter un travailleur étranger peut représenter un investissement variant de 3 500 $ à 21 000 $ pour les entreprises qui font affaire avec des firmes de recrutement, estime notre intervenant. Cette façon de faire devient de plus en plus périlleuse selon ses observations. «Certains se sont servis de nous comme porte d’entrée, c’est sûr. On l’a vu ailleurs aussi. Il est normal et possible que certains ne soient pas heureux dans une entreprise et retournent chez eux. Avec le temps, ils se créent un réseau de contacts. Certains sont fidèles, mais d’autres partent rejoindre des gens de leur communauté, qu’ils connaissaient déjà ou qu’ils ont connus entretemps.»

Des contrats significatifs

Notre industriel aimerait que les contrats de travail qui sont signés par les travailleurs étrangers aient plus de poids pour éviter de tels désagréments. «Il n’y a pas de subventions rattachées à cela. Le seul but est de réussir à respecter nos engagements avec nos clients. Si on additionne le salaire de l’employé aux frais que nous avons dû assumer pour le faire venir, c’est un pensez-y-bien. Le but n’est pas de mettre le doigt sur des personnes, mais sur une situation. Notre contrat de travail est malheureusement une boite vide. Nous n’avons aucun recours pour le faire respecter. On ne peut utiliser ni les normes du travail, ni les petites créances. Nous n’avons pas de ressources. On peut leur faire signer un contrat de deux ou trois ans au travailleur, ce qui représente la durée du contrat de travail que l’on a avec eux. Le gouvernement a établi des bases salariales.»

Les entreprises de la région recrutent de plus en plus à l’international, ce qui a ses avantages, mais aussi ses inconvénients, remarque aussi le président de la Chambre de commerce Bellechasse-Etchemins, André St-Hilaire. Il observe lui aussi que certains irritants font leur apparition. «Il commence à y avoir un risque, car certaines entreprises ont perdu des employés qu’elles avaient recrutés à l’étranger. Ils quittent souvent pour rejoindre une communauté ou pour d’autres raisons.»

Notre intervenant comprend mal l’attitude de quelques-uns des travailleurs impliqués, surtout que l’entreprise leur permet de changer leur vie en les amenant dans un milieu plein de possibilités. «Le travailleur québécois qui vient chez nous, nous le formons et ce sont les lois du marché qui font qu’on risque de le perdre un jour. Notre travailleur étranger arrive dans un milieu avec des possibilités de développement, d’avancement et de s’épanouir. Ce sont des gens qualifiés pour une tâche souvent complexe.»

Il ajoute que la démarche ne vise pas uniquement à les recruter pour l’usine. «On veut non seulement qu’ils soient des employés, mais aussi qu’ils deviennent des citoyens. Nous investissons dans leur éducation en pensant réussir à les fidéliser et qu’ils demeurent avec nous. Nous sommes très rigoureux sur la nécessité qu’ils apprennent le français et pour certains, c’est un irritant.»

L’industriel espère que le gouvernement pourra donner des outils aux entreprises pour leur permettre de recruter et de conserver leurs travailleurs étrangers. Dans le cas contraire, l’automatisation sera possiblement la solution. «Si le gouvernement ne légifère pas et ne fait pas respecter la valeur des permis de travail que l’on propose, nous n’aurons pas le choix. Les délais administratifs pour procéder au recrutement sont aussi un irritant.»

Pourtant, plus le temps passe, moins l’intégration est difficile dans la région selon notre industriel. «Nous n’étions pas habitués il y a une dizaine d’années de voir des visages d’autres nationalités dans Bellechasse. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.  Mes voisins sont d’une nationalité différente et nos enfants jouent ensemble. L’irritant de l’intégration a de moins en moins sa raison d’être. Nous sommes une communauté accueillante et sécuritaire.»

Recruter en équipe?

Notre entrepreneur refuse d’utiliser la surenchère pour combler ses besoins en main-d’œuvre spécialisée. «Si on fait cela, nous allons affecter les marges de profits des entreprises de la région et nous deviendrons possiblement moins compétitifs pour nos clients.»

André St-Hilaire précise que son entreprise, IEL à Sainte-Claire, se tourne d’ailleurs de plus en plus vers la France pour recruter et y effectue deux missions annuellement. La Chambre de commerce songe d’ailleurs à implanter une démarche qui permettrait à plusieurs entreprises de recruter simultanément, ce qui comblerait certains irritants. «Il y a petites entreprises qui pourraient avoir besoin d’une ou deux personnes simplement. Il est impensable qu’elles puissent assumer seules les coûts d’une mission. Les plus grandes entreprises pourraient combler leurs propres besoins de main-d’œuvre spécialisée et possiblement ceux d’une autre entreprise d’un secteur différent. Par exemple, l’épouse ou un enfant d’une même famille pourrait aussi y trouver son compte comme journalier ou autre.»

Notre industriel estime lui aussi que les entreprises de la région auraient avantage à se partager de l’information sur le sujet. «Nous avons développé l’habileté de les recruter individuellement, mais nous ne sommes pas des firmes. Peut-être qu’en travaillant en collaboration on apprendrait différentes choses et qu’on parviendrait à diminuer nos coûts de recrutement. On devra se démarquer comme région pour réussir à combler nos besoins.»

Les prochaines missions de certaines entreprises pourraient déjà inclure ce principe estime M. St-Hilaire. «Si on veut garder ces gens-là en région, il faut engager la famille. Une entreprise recrute le père, une autre la mère et certaines les enfants. Cette famille sera plus prudente avant de quitter. On aimerait faire des maillages dès l’automne.»