Elle quitte la maison où elle a habité pendant 80 ans

SAINT-ANSELME. Une dame de Saint-Anselme a dû se résigner à vendre sa résidence au ministère des Transports et quitter après avoir demeuré au même endroit pendant près de 80 ans.

Marguerite Boutin avait 2 ans lorsque ses parents se sont portés acquéreurs de la résidence. Elle a aujourd’hui 82 ans. La transaction vise à permettre l’aménagement d’un carrefour giratoire à la jonction de la route 277 et du rang de la Montagne. Celle-ci sera éventuellement détruite, tout comme le bâtiment adjacent.

Si elle n’a pas l’impression d’avoir nécessairement fait une bonne affaire, elle pense néanmoins qu’un changement sera profitable. «Ça nous fait de la peine, c’est là que nous sommes nées. La dernière semaine a été difficile. Quand nous avons vidé la maison, j’ai réalisé ce qui arrivait. Nous allons garder de bons souvenirs.»

Mme Boutin vivait seule depuis une vingtaine d’années et entretenait sa résidence malgré ses 82 ans. «Je m’occupais du ménage, du déneigement, du bois de chauffage et de la tondeuse, de tout.» La vente s’est officialisée en octobre dernier, sauf qu’elle a eu quelques mois pour se préparer. Depuis près de trois semaines, elle habite un logement dans un HLM et connaît déjà tous ceux qui y demeurent. Elle avoue que le changement est particulier. «Ici, je ne vois pas les voitures passer. Au moins, c’est tranquille et j’ai accès au soleil.»

Elle a conservé peu de choses de l’ancienne résidence, souhaitant recommencer à neuf. «Nous avons fait une vente de garage et avons sorti l’équivalent de trois gros conteneurs et sept petits de matériel. Deux autres voyages sont allés aux sœurs de la congrégation à Saint-Damien et la Ressourcerie Bellechasse a cueilli une bonne quantité d’objets aussi.»

Mme Boutin confirme avoir été témoin de plusieurs choses à cette intersection, dont un bon nombre d’accidents. Sa sœur Élizabeth, présente lors de l’entretien, confirme elle aussi que plusieurs incidents s’y sont produits. «Nous avions naturellement une terre tout près et avons perdu beaucoup d’animaux, car nous devions traverser la route pour les amener au pâturage. Mon père a demandé en vain pendant des années un feu de circulation. Les gens ne freinaient pas et entraient en collision avec le troupeau», se souvient-elle. Elle aussi estime que le changement sera pour le mieux. «Je m’inquiétais de voir ma sœur seule au quatre chemins. Je suis contente qu’elle soit maintenant au village. On ne sait jamais qui pourrait s’y arrêter et les voisins sont loin.»

Madame-billet et madame-loto

Malgré son âge, Marguerite Boutin demeure très alerte et ressasse avec joie ses souvenirs impliquant la résidence familiale. Sa sœur Élizabeth a aussi tenu à partager quelques anecdotes avec nous. «Quand il y avait des tempêtes, on ramassait tout le monde. Des années, il y en avait toutes les semaines. La maison était toujours pleine. Ma mère était à la popote et par la suite, les gens s’en allaient et on ne les voyait plus. Il y a un médecin de Lac-Etchemin qui est revenu nous saluer une fois.»

Néanmoins, c’est surtout grâce à la loterie que Marguerite Boutin est bien connue des gens de la région. «Nous avons déjà eu une boutique, un genre de magasin général que mon père avait ouvert en 1937. C’était une entreprise familiale. J’ai vendu des billets pendant plus de 20 ans, de 1972 à 1994. C’est nous qui avons parti ça dans le coin. Je me promenais dans les commerces et mon père se rendait dans les autres villages. Nous avons eu une valideuse chez nous pendant longtemps, alors j’imprimais les billets et je partais avec mon tablier. Il n’y en avait pas au village. Les gens m’appellent encore madame-billet.»

La propriété a même servi de poste de péage il y a plusieurs années pour les automobilistes et camionneurs qui se rendaient en ville. «C’était avant les années 50, car nous étions dans la vieille maison à l’époque. La résidence actuelle a été construite en 1952. Ils avaient fermé le passage au coin du hangar chez nous et construit une entrée et une sortie près de la résidence pour permettre le péage.»

Mme Boutin conduit encore malgré son âge et arrive à combler ses propres besoins. «Je suis prudente. Je n’irais pas à Montréal, mais à Lévis, c’est correct. Québec, c’est trop compliqué.» Elle a aussi appris à manipuler sa tablette et peut jouer à quelques jeux pour occuper son temps.