Fermeture des salles à manger: incompréhension et déception chez les restaurateurs

PANDÉMIE. La décision du gouvernement Legault de ramener la région Chaudière-Appalaches en zone rouge pâle et d’à nouveau fermer les salles à manger des restaurants ne passe pas chez plusieurs restaurateurs de la région qui crient à l’injustice.

C’est le cas notamment de Fabien Lacorre, copropriétaire du Manoir Lac-Etchemin, qui dit très mal vivre cette nouvelle fermeture.

« Les deux autres fermetures, on a fait avec et on a su s’adapter, mais celle-ci nous a mis K-O pas mal je dois l’avouer, surtout que ça s’est fait vite et sans prévenir », mentionne-t-il en ajoutant qu’en ce qui concerne leur commerce, d’importantes commandes en vue du week-end avaient été placées le mercredi dans la journée et n’ont pu être annulées, la décision gouvernementale ayant été rendue à 17 h le jour même.

« Ils sont en train de tuer notre industrie. Je ne sais pas à quoi ils jouent, d’autant plus qu’il n’y a pas eu d’éclosions dans les restaurants à ma connaissance. Chez nous, on maîtrise la situation et on a de l’espace. Des représentants de la santé publique et de la CNESST sont venus nous visiter à deux reprises et tout était correct pour eux. La Sûreté du Québec est venue contrôler pour l’alcool et la distanciation et on a reçu des félicitations de leur part », ajoute-t-il en rappelant que selon lui, les mesures sanitaires et la distanciation physiques sont plus faciles à respecter dans les restaurants que lors des rassemblements privés ou dans les cabanes à sucre, par exemple.

« Lors des deux derniers confinements, on a su se réinventer. Au printemps et à l’été 2020, on a sorti le food-truck et au deuxième confinement, on a refait une carte plus casse-croûte, car c’est plus facile à emporter. Cette fois-ci cependant, on n’a plus le goût de se réinventer, nous sommes à bout. On va prendre la carte régulière de salle à manger et on va faire du prêt-à-emporter avec cela, en attendant de voir ce qui se passera après le 12 avril. »

Injustice

M. Lacorre dit trouver injuste la fermeture des salles à manger où selon lui il n’y a jamais eu de cas ou d’éclosions prouvées. « Qu’ils me prouvent qu’il y a eu des éclosions dans les restaurants et là, on discutera. Quand il y a eu une éclosion chez Olymel, ils n’ont pas fermé l’usine pour autant », poursuit-il.

Quant à l’aide gouvernementale promise, il dit n’avoir rien à dire contre le fédéral du fait que l’argent entre rapidement. « Au niveau provincial, c’est autre chose. Ça passe par les MRC et on en a eu, mais ce sont des prêts. Il y a d’autres montants qui s’en viennent, mais ça n’ira pas avant avril ou mai et c’est compliqué. On n’a pas de cadeau ou de rabais sur nos permis comme ceux du MAPAQ ou le permis d’alcool. Si on avait des breaks comme pour les permis du fédéral, ça nous aiderait. »

Dans toute cette saga, M. Lacorre a tenu à souligner le soutien de la clientèle et de la communauté, notamment celui de la copropriétaire du Belvédère du Lac, Marie-Hélène Lepage, qui lui a offert de racheter les surplus de sa commande de fruits et légumes qu’il n’utilisera pas pour Pâques.

Louis Robert de Sainte-Justine est propriétaire du restaurant La Grille de Saint-Prosper.

Restaurant La Grille

Propriétaire du restaurant La Grille de Saint-Prosper, Louis Robert en est un autre qui n’a pas apprécié l’annonce gouvernementale qui, selon lui, ne leur a pas donné beaucoup de temps pour s’ajuster.

« Ça commence à tirer du jus, surtout à 24 heures d’avis. Ça a été une course pour annuler les commandes en vue de la fête de Pâques. J’ai réussi à faire cela, mais il y a certainement beaucoup de restaurateurs qui n’ont pu le faire, ce qui amènera des pertes financières importantes de leur part », précise-t-il en ajoutant qu’il avait bien hâte de voir, lui aussi, comment l’aide gouvernementale se traduira.

« Il y a beaucoup de paperasse à remplir et mon comptable me disait ce matin (jeudi) que ça pourrait prendre de 3 à 4 semaines avant que le programme ne soit en place, car les fonctionnaires ne sont même pas au courant encore. Ce sera un autre mois à être dans le doute, sans savoir si on va passer au travers. »

M. Robert souligne que la situation n’est facile à vivre, non seulement monétairement, mais psychologiquement. « On a beau essayer de se recycler et de se renouveler, on commence à manquer de moyens pour le faire. C’est difficile de voir le gouvernement s’acharner sur la restauration qui n’est pas un milieu d’éclosion », poursuit-il en rappelant que lors de la réouverture des salles à manger il y a trois semaines, il n’avait pas hésité à apporter des changements afin de rendre les lieux plus sécuritaires.

« Dans le fond, ça ne m’aurait pas dérangé qu’ils nous laissent fermés jusqu’en juin pour ensuite profiter du beau temps pour ouvrir nos salles à manger pour de bon. Il y a déjà 3 000 restaurateurs au Québec qui ont dû mettre la clé dans la porte depuis le début de la pandémie et je crois qu’il y en aura autant qui vont le faire avec cette nouvelle fermeture », indique-t-il en ajoutant que selon lui, celle-ci prolongera jusqu’en juin, d’autant plus que la fête des Mères s’en vient.

JOannie Dion, propriétaire du restaurant Parasol de Saint-Malachie.

Résignation au Parasol

Au Resturant Parasol de Saint-Malachie, la propriétaire Joannie Dion s’est dite elle aussi déçue de cette décision et dit ne pas comprendre la logique derrière celle-ci. Si une bonne partie de la clientèle était de retour en salle à manger depuis trois semaines, elle ajoute que d’autres hésitaient encore à s’y présenter, par crainte d’attraper le virus.

« C’est frustrant tout cela, d’autant plus qu’on ne sait pas combien de temps cela va durer. Ils nous donnent une date de retour, mais c’est toujours repoussé. On commence à avoir l’habitude », indique-t-elle en mentionnant que si le take-out avait été très populaire à l’automne, les commandes avaient beaucoup diminué depuis le mois de novembre.

« C’est le même discours à chaque fois qu’ils nous ferment, on ne comprend pas trop, mais on les laisse faire, car on ne peut rien y faire. Au début, je prenais ça personnel. Je suis en maudit, mais que veux-tu que je fasse ? », dit-elle avec résignation.

« Le plus enrageant, c’est pour mon personnel. Je venais d’embaucher du monde il y a trois semaines et je dois déjà les remercier à nouveau. »