Le combat de Vickie Langlois vers la guérison

BUCKLAND. Le 3 décembre 2018, la vie de Vickie Langlois bascule. Son ex-conjoint se rend chez elle et l’agresse sauvagement en pleine nuit, la laissant pour morte. Par miracle, la résidente de Buckland reprendra conscience quelques heures plus tard et fera appel aux services d’urgence qui seront en mesure de la sauver. S’amorcera un long processus de guérison qui se poursuit, deux ans plus tard.

« Je n’ai aucun souvenir de ce qui s’est passé cette nuit-là. Je n’ai pas pu réagir et je ne peux pas me l’expliquer. En même temps, je suis consciente de la chance que j’ai d’être en vie. C’est incroyable comme le corps humain est bien fait », souligne la principale intéressée lors d’un entretien dans sa cuisine d’été, boutique attenante à sa résidence qu’elle a ouverte cet été afin de reprendre contact avec le public qui continue de l’appuyer dans sa mission d’entreprise.

Lors de cette agression, Vickie a notamment perdu l’usage de son œil droit et subi une fracture au bras qui serait, en fait, une blessure défensive. « Je n’ai aucun souvenir de cela non plus. Mon amnésie de cette soirée est, à mes yeux, une amnésie protectrice. »

Une sentence, ça ne guérit pas

Le 3 décembre dernier, son agresseur qui avait déjà plaidé coupable aux accusations portées contre lui, a reçu une peine de 15 ans de prison au palais de justice de Montmagny. Si elle convient qu’il s’agit d’une sentence exemplaire, Vickie souligne que cela ne l’aidera pas nécessairement à guérir.

« Une sentence, ça ne me guérira pas. Ça m’apaise un peu, ça va aider mon sentiment de sécurité pour un temps, mais ça ne changera rien pour moi. C’est un répit en attendant », mentionne-t-elle en ajoutant que le processus de reconstruction n’est pas complété, que cela la suivra toute sa vie. « On ne guérit pas de cela, mais on apprend à vivre avec. C’est un processus qui est en cours, mais j’ai confiance que je vais y arriver. »

Depuis son agression, Vickie a subi de multiples interventions chirurgicales, la dernière ayant eu lieu en octobre dernier. La plupart de ces chirurgies se situent au niveau du visage et avaient pour but de réparer sa boite crânienne, qui a subi la plupart des dommages. Cela devrait se terminer au printemps prochain, espère-t-elle, par l’implantation d’une prothèse crânienne.

D’ici ce temps, elle doit porter un casque de protection qu’elle n’enlève que la nuit, pour dormir. « C’est mon crâne de chez Sports Experts… c’est à cela que ça sert », lance-t-elle avec humour.

« J’ai toujours été dans l’autodérision et je suis capable de rire de ce qui m’arrive. Ça m’aide beaucoup, même si ça déstabilise les gens à l’occasion. Je comprends le malaise des gens, mais je les mets à l’aise avec cela. C’est un réflexe que j’avais même avant l’agression et je n’ai pas perdu ce sens de l’humour qui me permet de tourner les pires événements au ridicule », affirme-t-elle.

« Les gens me parlent de courage, mais je leur dis que c’est surtout de la gourmandise. Quand je me réveille après une opération à l’hôpital, je pense à m’en retourner à la maison dès que ça ira mieux, mais la première chose que je leur demande, c’est s’ils ont quelque chose à manger et quand ils peuvent me l’apporter », renchérit-elle.

Besoin de travailler

Propriétaire de la roulotte gourmande J’aime Bellechasse, Vicky fait preuve d’une résilience hors du commun. À la fin de 2019, elle a repris graduellement le travail, elle qui a toujours en tête de sauver son entreprise. Même si elle n’a pas ses pleines capacités, le fait d’être dans l’action l’aide énormément, c’est une question de santé mentale poursuit-elle.

« Je dois constamment négocier avec les médecins. Ils veulent que je me tienne tranquille, je les comprends et je les écoute. Cependant, il faut que je bouge et que je sauve mon entreprise que je bâtis depuis sept ans. J’ai travaillé fort et je ne veux pas laisser aller cela pour quelqu’un de malveillant. »

C’est dans le cadre des brigades culinaires, à la fin de l’année 2019, qu’elle a repris peu à peu du service. « Le contact avec les jeunes, ça m’a beaucoup aidé », précise-t-elle en ajoutant que l’ouverture de sa cuisine d’été, en juillet dernier, était une autre étape importante dans son processus de guérison et de reconstruction.

Si son projet de transformation alimentaire pour la vente au gros et au détail annoncé en octobre 2018 risque de ne pas se rendre aussi loin que prévu initialement, elle garde tout même le cap sur sa mission première qui demeure la mise en valeur des produits locaux.

Appui de la famille

Vickie se dit heureuse de pouvoir compter sur l’appui indéfectible de sa famille, en commençant par ses parents, Laurent Langlois et Jocelyne Lemieux, qu’elle appelle affectueusement son « père-veilleux » et sa « mère-veilleuse », ainsi que de son frère et de sa sœur.

Pour l’année 2021 qui approche, Vickie nourrit toutefois de grands espoirs autant pour elle que pour son entreprise. « La greffe doit avoir lieu en mars et j’ai bien hâte, car ce sera un enjeu majeur pour moi. J’ai espoir qu’à l’été, je reprendrai le cours normal de ma vie », indique-t-elle en ajoutant qu’elle entendait également s’investir davantage dans formation et la sensibilisation, deux éléments qui s’inscrivent aussi dans la mission de J’aime Bellechasse.

Violence contre les femmes

Vickie Langlois ne se voit pas comme une porte-parole dans tout le dossier de la violence faite aux femmes, mais souligne qu’elle trouve important de relater son histoire, dans l’espoir que puisse aider quelqu’un. « Je ne pourrai jamais parler au nom des victimes, mais si mes paroles peuvent avoir écho en quelque part, tant mieux. Je parle de mon histoire en sachant que ça peut aider à faire bouger les choses. Si ça peut allumer une lumière en quelque part, ça sera ça. »