Monique Lépine tourne la page

SAINT-MALACHIE. Les récentes commémorations du 25e anniversaire de la tuerie de l’Institut Polytechnique à Montréal ont ressassé bien des souvenirs douloureux chez ceux et celles qui étaient au cœur de cet événement, ou encore chez les proches et amis de celles qui ont perdu la vie sous les balles de Marc Lépine.

La mère du tireur fou, Monique Lépine, a longtemps subi les contrecoups de la folie meurtrière qui a frappé son fils le 6 décembre 1989. «Dans les heures qui ont suivi l’événement, j’en avais entendu parler, mais je ne savais pas que c’était mon fils qui avait fait cela. J’ai rencontré les policiers qui m’ont interrogée pendant de longues heures. Ce fut l’une des expériences les plus éprouvantes de ma vie», racontait-elle lors d’une conférence prononcée récemment à Saint-Malachie.

Devant la foule venue l’entendre à la salle O’Farfadet, Mme Lépine a souligné que cette conférence serait la dernière qu’elle donnerait. Après 17 ans de silence où elle a cherché à préserver son identité et surtout protéger sa fille qui est décédée quelques années plus tard d’une surdose de drogue, elle effectuait une première sortie publique au lendemain de la tuerie du Collège Dawson. «Aucun être humain n’aurait pu saisir l’ampleur de la douleur qui m’affligeait après les événements de la Polytechnique. Bien des gens ont été traumatisés et 25 ans plus tard, on le sent encore», poursuit-elle.

Infirmière de carrière, Monique Lépine souligne que la première année suivant les événements de la Polytechnique a été très difficile. «En tant que mère monoparentale, je devais continuer à travailler. Les gens me ramenaient constamment à ces événements», signale celle qui a dû puiser à travers ses ressources et développer des mécanismes pour se protéger, ainsi que sa fille qui est décédée quelques années plus tard d’une surdose de drogues.

À plusieurs reprises lors de sa conférence, elle a mentionné que sa foi l’avait beaucoup aidée à passer à travers cette épreuve. «Seul Dieu savait ce que je ressentais vraiment. Il était devenu mon confident. J’étais submergée d’émotions négatives, j’avais honte et mon estime personnelle en a pris un coup. Beaucoup de gens m’ont rejetée à cause de cela», ajoute la femme qui a élevé ses enfants seule.

Essayer de comprendre

Monique Lépine dit avoir essayé de comprendre, mais en vain, les raisons qui avaient amené son fils à poser de tels gestes. «Je ne sais pas s’il souffrait de maladie mentale, il n’a jamais été diagnostiqué ainsi», soulignait-elle en ajoutant que des gens comme son fils et d’autres qui ont commis des actes similaires par le passé étaient souvent des personnes différentes, renfermées et hors-normes qui sont souvent mises de côté.

«C’était un être sensible qui avait ses qualités et de l’intérêt pour certaines disciplines comme les mathématiques, l’informatique et l’électronique. Il avait toutefois beaucoup de difficultés à entrer en contact avec les filles, il n’était pas habile là-dedans. Avait-il de la colère refoulée et accumulée ? Celle-ci était-elle dirigée vers les féministes qu’il n’aimait pas, je ne saurais dire.»

Après le décès de sa fille, Mme Lépine a sombré dans une profonde dépression. «J’avais perdu le goût de vivre, mais je n’ai jamais eu l’intention de mettre fin à mes jours. Les dernières années de ma vie professionnelle furent difficiles car je venais travailler et le reste du temps, je dormais. J’ai eu beaucoup d’aide à l’hôpital où je travaillais, ce qui n’est pas le cas pour tous. De plus, ma foi m’a aidée à passer au travers. Après avoir atteint le fond du baril, j’ai décidé de vivre ma vie. Je me suis donnée comme mission d’aider d’autres femmes qui comme moi souffrent en silence et sont souvent laissées à elles-mêmes», ajoute celle qui en 2008 a écrit un livre racontant son histoire.

Réagir face à la souffrance

Dans sa présentation, Monique Lépine souligne que les gens qui souffrent, pour différentes raisons, modifient leurs comportements au fil du temps. «Je me sentais coupable alors que je ne l’étais pas. Je me suis isolée complètement, je ne voulais parler à personne et j’ai souffert de dépression. Nous ne sommes jamais préparés à vivre de tels événements et on n’a jamais de modèles de gens qui ont passé aux travers et peuvent nous aider à traverser de telles épreuves», indique-t-elle.

Retraite dans Bellechasse

C’est dans Bellechasse que Monique Lépine a décidé de se retirer pour de bon. «Je cherchais un lieu paisible pour me reposer et surtout quitter la jungle médiatique montréalaise. À l’invitation de Jean-Yves Marleau, je suis venue faire un tour. J’ai aimé la région et j’ai décidé de m’établir», poursuit celle qui vit maintenant à Saint-Malachie.

Monique Lépine consacrera les prochaines années à offrir de l’aide individuelle ou de groupe pour les personnes endeuillées. On peut en savoir davantage en se rendant sur son site internet au www.moniquelepine.com.