Saint-Nérée: Roch le coiffeur prend sa retraite

CARRIÈRE. 50 ans dans le domaine de la coiffure représenteraient une belle carrière pour plusieurs personnes. Pour Roch Fournier, c’est un demi-siècle de succès indéniable et plein d’histoires qu’il a partagé avec ses clients et à raconter au gré du temps, maintenant qu’il est officiellement à la retraite.

Malgré le fait qu’il œuvrait au cœur d’une petite municipalité comme Saint-Nérée, Roch Fournier a réussi à bien gagner sa vie. Il a d’ailleurs eu jusqu’à deux employés avec lui, dont son épouse pendant quelques années. «Ce n’est pas le lieu où on travaille qui fait notre succès, c’est qui nous sommes. J’avais environ 75 clients à Saint-Raphaël, autant à Armagh, une quarantaine à Saint-Gervais, tu en ajoutes une dizaine de Québec, autant à Montréal, plus 150 à 200 de Saint-Nérée, c’est un bon groupe.»

Son travail, il l’a choisi un peu par accident et pour quitter l’école où il ne se sentait pas à l’aise selon ses dires. «Je détestais l’école et comme je fais un peu d’angoisse, je n’y étais pas particulièrement confortable. En 1965, un de mes cousins, qui était coiffeur, m’a simplement dit qu’il avait mon âge quand il avait commencé. C’est un peu devenu une porte de sortie. Après un an seulement, je réussissais à atteindre les chiffres du gérant en termes de clientèle, je n’ai jamais compris pourquoi.»

Natif de l’endroit, il est revenu à Saint-Nérée en 1970 après avoir travaillé trois ans à Québec. «Le plus dur fut de partir de Québec. Je gagnais, pour une coupe de cheveux normale à l’époque 3,25 $. Ici à Saint-Nérée, 1,60 $. J’étais le même gars pourtant. Je ne voulais pas chercher l’ouvrage alors j’ai dû m’adapter. Mon premier client à mon retour a été Joseph-Arthur Labrecque dans mon premier local. Yvon Couture a été mon premier après que l’on soit déménagé en haut de la côte». Son dernier aura finalement été l’ex-maire d’Armagh, Guylain Chamberland.

Du succès dans un petit milieu

Plusieurs se demandent comment a-t-il fait pour obtenir autant de succès, alors que les services de proximité dans les villages font souvent l’objet de remises en question. «C’est ma grande gueule et la façon que j’approche les gens. Mes boîtes de Kleenex ont servi souvent. Je raconte ma vie et j’écoute la leur et tout ça a un impact incroyable. J’ai fait séparer des gens comme j’en ai réuni. Un coiffeur est l’intermédiaire entre un médecin et la vie en général. Les gens ont du vécu. C’est la plus grande bibliothèque possible.»

Conscient de ses capacités et de ses limites, Roch le coiffeur (sa désignation professionnelle) a su se bâtir une clientèle avec le temps. «Certaines personnes, ça fait 30 ans, 40 ans et même plus. Un homme de Québec vient me voir toutes les quatre semaines depuis 35 ans. J’en ai aux États-Unis qui viennent trois ou quatre fois par année, certains de Montréal venaient régulièrement. J’ai un client de Trois-Rivières qui demeurait à Baie-Comeau. Il prenait l’avion pour Québec et se louait une voiture pour venir ici se faire couper les cheveux. Il repartait ensuite en voiture pour Québec, de là il reprenait l’avion pour Baie-Comeau.»

Ses clients lui auront été fidèles jusqu’à la fin et lui tout autant. «J’ai reçu une soixantaine de personnes dans ma dernière semaine et chacune a eu un petit cadeau.» Il faut dire qu’il n’a jamais fait les choses comme tout le monde. À ses débuts, il ne prenait aucun rendez-vous et accueillait les gens selon leurs disponibilités. «J’ai déjà eu jusqu’à 21 personnes qui attendaient en même temps, c’était il y a environ 35 ans. Il s’était bu 12 caisses de 24 bières et une caisse de 12. C’était à une autre époque et je n’ai jamais été un standard.»

Une place à la clientèle féminine

Roch Fournier a choisi de faire un tournant dans sa carrière en 1984, décidant d’offrir ses services aux dames. Celles-ci ont alors pris beaucoup de place au salon contribuant à changer l’ambiance et les mentalités. «J’ai commencé les hommes en 1967 et au milieu des années 80′, j’ai commencé les femmes après avoir suivi des cours. J’avais du potentiel dans les couleurs, mais les angles je ne comprenais pas ça. Je faisais autre chose, j’improvisais. Je disais toujours aux femmes que je la mettrais belle comme si on devait sortir ensemble le soir. Je posais quelques questions et ensuite, j’analysais leur tête, leur cou, les oreilles, et cetera. Mon talent était de transformer leurs défauts en qualité et de les rendre uniques.»

Véritable amant de la nature, il a pourtant fait carrière dans l’artificiel selon ses dires. «La coiffure est un peu contre nature. Je vis dans l’artificiel alors quand j’ai du temps, j’aime aller marcher dans la forêt par exemple. Sur mon épitaphe, ce sera écrit «Aimer la vie, c’est respecter la terre qui nous nourrit».»

Une petite semaine de travail pour Roch Fournier pouvait ressembler à une quarantaine de personnes dans une semaine. Son record, 86 personnes dans une semaine. «J’ai fait quelques voyages dans le passé comme la France, l’Espagne et le Maroc et ça intéressait les gens. Je pars pour la Chine bientôt. J’aime la décoration et j’ai l’intention d’en profiter aussi pour refaire certaines parties de la maison. Je remercie les gens de Saint-Nérée et de la région de m’avoir fait confiance.»