Saint-Philémon perdra son épicerie

Il n’est pas toujours facile, pour les petites municipalités, de conserver ses services de proximité. Les citoyens de Saint-Philémon, dans Bellechasse, l’ont appris avec l’annonce de la fermeture prochaine du Marché Saint-Philémon, situé au cœur du village.

Propriétaire du commerce depuis 2004, Yvan Laflamme souligne qu’il devait initialement cesser ses activités à cet endroit le 17 février, mais qu’il avait décidé de poursuivre qu’au 18 mars prochain.

La diminution de la clientèle et des revenus d’épicerie, ainsi que la hausse constante des frais fixes, sont les principales raisons qui ont incité l’homme d’affaires à prendre cette décision. Les horaires chargés, lui qui est aussi propriétaire d’un dépanneur au coin des routes 281 et 216, ont aussi pesé dans la balance.

«Notre situation financière est encore bonne, car on travaille fort et on sait s’administrer. On ferme parce qu’on a encore les moyens de le faire. Cette décision est réfléchie et on y pense depuis plusieurs mois. Quand tu dois travailler de 70 à 90 heures pour arriver, ce n’est pas facile pour qui que ce soit», mentionne-t-il.

M. Laflamme soutient que plusieurs petits épiciers comme lui vivent des situations similaires dans les localités avoisinantes. «On vend les spéciaux de la circulaire, mais on ne fait pas de profit, car ceux-ci sont affichés au prix coûtant. On fait de belles ventes, mais à la fin, il ne nous reste pas grand-chose.»

Il ajoute que la récente hausse de 50 cents de l’heure du salaire minimum fait mal au commerce de détail. «On ne peut pas toujours augmenter le prix de nos aliments pour compenser. À cause de cela, on doit couper dans les heures de notre personnel et au bout du compte, ce sont les propriétaires qui doivent compenser.»

Agrandir le dépanneur ?

M. Laflamme, qui œuvre dans le domaine du commerce au détail depuis 1989, opère aussi un dépanneur au coin des routes 281 et 216, et ce, depuis 17 ans. Il songe à agrandir ce commerce afin d’augmenter l’offre de service à cet endroit. Il se donne toutefois de deux à trois mois de réflexion, après la fermeture de l’épicerie, pour décider s’il met ce projet de l’avant ou non.

«Quand j’ai acheté le magasin en 2004, je vivais bien avec mon dépanneur, mais je me disais que ça n’avait pas de bon sens de ne pas avoir d’épicerie au cœur du village. On a donné un bon coup pour essayer de monter un projet intéressant. On a même acheté l’autre épicerie-boucherie du village pour centraliser les opérations en un seul endroit. Je voulais offrir quelque chose de bien aux citoyens de Saint-Philémon qui n’ont malheureusement pas toujours suivi.»

Pris par surprise

À la municipalité de Saint-Philémon, le maire Daniel Pouliot confirme que lui et les élus ont été pris de court par l’annonce de M. Laflamme qui, mentionne-t-il, leur a été communiquée il y a seulement deux semaines. Les deux parties se sont réunies à huis clos lundi soir, mais peu de résultats concrets semblent en être ressortis, la municipalité attendant de voir ce que fera M. Laflamme.

«Il semble vouloir miser davantage sur son dépanneur plutôt que sur l’épicerie. L’agrandissement du dépanneur, s’il se réalise, pourrait être intéressant. Est-ce que l’on doit partir une coopérative, je ne sais pas. Peu importe le projet, ça prend une étude de marché sérieuse et ça ne se fait pas en quelques mois», a-t-il précisé.

Toujours selon le maire, si M. Laflamme devait mettre en place son projet de «dépanneur Plus», la municipalité aurait plutôt intérêt à l’appuyer. «Nous ne connaissons pas vraiment l’ampleur de son projet, car il ne nous en a pas parlé plus que cela. Chose certaine, il serait préférable de l’appuyer dans son alternative, car c’est un citoyen de Saint-Philémon qui est bien implanté ici.»

Peu d’appui des intervenants locaux ?

L’homme d’affaires, qui est membre du comité local de développement depuis plusieurs années, dit déplorer le manque d’intérêt de ses collègues envers son épicerie, de même que celui des autorités municipales. «Cela me désole de voir qu’ils ne viennent pas souvent chez nous. On a le sentiment qu’ils n’ont pas besoin d’une épicerie à Saint-Philémon. Cela fait trois semaines que j’ai annoncé que j’allais fermer, mais rien n’a changé. L’achalandage n’a pas beaucoup augmenté.  À la municipalité, on me dit qu’ils n’ont pas vu venir le coup. Ils ne sont pas à l’affût, car ils ne viennent pas plus.»

Il se fait aussi très critique envers la MRC qui, selon lui, ne fait rien de concret pour assurer le maintien des services de proximité dans les petites localités, ainsi qu’envers le gouvernement qui ralentit le développement des entreprises en raison d’une paperasse des plus lourdes.