Une démarche encore trop répandue
SANTÉ. Le bureau du Protecteur du citoyen a finalement déposé son rapport sur la garde infirmière mobile (GIM), utilisée par le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Chaudière-Appalaches pour combler ses besoins de personnel, notamment pour les fonctions d’infirmières en CHSLD.
L’enquête a révélé que cette garde infirmière mobile est devenue monnaie courante dans les CHSLD de Chaudière-Appalaches. Cette mesure va toutefois à l’encontre d’une norme du ministère de la Santé et des Services sociaux, puisque la présence d’au moins un infirmier ou une infirmière est obligatoire en tout temps dans les CHSLD.
L’organisme signale qu’en effet, entre le 20 juin et le 31 août 2021, huit CHSLD, soit près de 30 % des CHSLD du CISSS, ont eu recours à la GIM pour plus de 10 % de leurs quarts de travail de soir et de nuit. Plus particulièrement, cinq CHSLD ont utilisé la GIM pour plus de 20 % de leurs quarts de travail.
L’un de ces CHSLD a même fait appel à cette mesure lors de 78 % de ses quarts de soir et de nuit, relate Carole-Anne Huot, porte-parole du Protecteur du citoyen. « Il faut rappeler que Chaudière-Appalaches est une région où il y a plusieurs petits CHSLD. Ça demande un plus grand nombre d’infirmières et la région avait de la difficulté à répondre aux besoins, sauf que ça devait être une mesure d’exception, car ce sont des clientèles vulnérables qui demandent une surveillance accrue. »
Au CISSS de Chaudière-Appalaches, on explique que cette mesure a été mise en place pour contrer la pénurie de main-d’œuvre infirmière dans les 29 CHSLD répartis dans la région, dont la majorité sont situés dans des milieux plus éloignés des villes centres, compliquant les efforts de recrutement.
« Sans le système de garde mobile infirmière, nous tomberions autrement en découverture complète d’infirmières. Ce n’est pas ce que nous prônons comme établissement pour assurer la sécurité et la qualité des soins des résidents. Depuis la mesure prise par l’équipe du Protecteur du citoyen au cours de la période estivale, le nombre de gardes infirmières réalisé en CHSLD a tout de même chuté de beaucoup cet automne, d’autant plus qu’avec la quatrième et la cinquième vague de la pandémie, plus de résidents ont été atteints de la COVID. »
À l’issue de son enquête, le Protecteur du citoyen a formulé six recommandations. Quatre d’entre elles visent le CISSS de Chaudière-Appalaches. Les autres concernent le ministère de la Santé et des Services sociaux. Les deux entités ont accepté toutes les recommandations.
Toujours de l’abus
La démarche du CISSS de Chaudière-Appalaches avait été soulevée l’été dernier par le Syndicat des professionnels en soins de Chaudière-Appalaches (SPSCA-FIQ), notamment à Saint-Isidore, Sainte-Hénédine, Saint-Anselme, Saint-Gervais, Sainte-Perpétue et Saint-Prosper. Son président, Laurier Ouellet, explique que la situation perdure. « C’est toujours comme ça que ça se passe. On dit que ce sera une mesure utilisée au besoin, sauf que la Direction des soins infirmiers, ce n’est pas comme ça qu’elle agit. On le sait. On sonne toujours l’alarme, mais il y a toujours de l’abus. On sonnera la cloche de nouveau au besoin », indique-t-il.
Selon M. Ouellet, cette situation ne peut être justifiée par le manque de personnel. « On est à 3 800 employés dans ma catégorie. Il n’y en a jamais eu autant que ça. Où est tout ce monde-là ? Sont-ils affectés aux bons endroits ? Je continue à dire que non. Le problème a toujours été dans l’organisation. La structure est rendue trop grosse. Il y avait une personne qui s’occupait de la Direction des soins infirmiers il y a sept ou huit ans. Aujourd’hui, ils sont une centaine. »
Il illustre dans ses mots que ce n’est plus le temps de faire des plans de soins, il faut soigner le monde. « Ils disent aux gens comment travailler. Qu’ils aillent sur le plancher et fassent du mentorat comme dans le passé. Il y a encore trois cadres pour une infirmière sur le plancher à Beauceville, à titre d’exemple. Quels soins peut donner une infirmière avec 80 ou 100 patients à sa charge ? », se questionne-t-il.
Laurier Ouellet observe également que l’allègement administratif souhaité et promis par la direction du ministère se fait attendre. « On nous dit qu’on va enlever de la paperasse. On tourne les coins ronds. Des gens n’ont pas eu de bain depuis avant la nouvelle année. C’est beau le lavage partiel, mais ce n’est pas l’idéal. Pourtant, le gouvernement a mis de l’argent, mais ça ne sert à rien. Ici en Chaudière-Appalaches, plus de 1 000 personnes ont signé pour recevoir leur 15 000 $, sauf que seulement 18 l’ont reçu, en raison de tous les critères que cela impliquait. »