Une nouvelle réalité pour Lynda Bilodeau
SAINT-DAMIEN. L’univers de Lynda Bilodeau a basculé il y a six ans après une visite chez son dentiste. Elle devra vivre le reste de ses jours avec une paralysie évidente au visage et dormir les yeux ouverts toutes les nuits.
Cette visite chez son dentiste devait être pour une simple vérification et demander conseil en raison d’un simple inconfort. Elle s’est retrouvée à la toute fin avec une communication oro-sinusale qui lui a causé bien des douleurs et des tracas.
Native de Saint-Just et résidente de Saint-Damien, elle a aussi appris, il y a maintenant quelques semaines, que la poursuite qu’elle avait intenté contre son dentiste s’était soldé par un échec. Une imposante dette en frais juridiques s’ajoute maintenant à ses soucis.
Elle nous a confié qu’au départ, rien ne laissait croire à une série de déceptions aussi importantes. «Je suis allée chez le dentiste pour une simple vérification. J’avais une petite bosse sur le côté d’une dent de sagesse. Ma dent était très saine, je voulais seulement m’assurer que ce n’était pas un abcès. En passant une radiographie, le dentiste a vu qu’il n’y avait plus d’os derrière ma dent. Il m’a dit qu’il devait l’enlever, mais il a ensuite dit, lors du procès, qu’il n’y avait aucune urgence à le faire.»
De pire en pire
C’est dans les heures qui ont suivi que Lynda Bilodeau a vu son monde être complètement chamboulé. «J’ai attrapé une bactérie après l’extraction de ma dent. Je suis retournée chez-moi et ça saignait beaucoup. Beaucoup de pus sortait également de ma gencive quelques jours après l’extraction. Je suis retournée voir mon dentiste où j’ai finalement passé un panorex. Il a refermé la plaie puis m’a renvoyé à l’hôpital».
Ce ne fut malheureusement pas la fin de l’histoire. «Par la suite, c’est l’enflure qui s’est mise de la partie. C’était tellement enflé que je n’arrivais plus à porter mes lunettes. J’avais aussi des rougeurs et des nausées. Je suis retournée tout de suite à l’hôpital où là, on a découvert que je faisais beaucoup de fièvre. On a choisi de m’hospitaliser et un infectiologue m’a pris en charge, sinon je serais morte. J’ai passé taco par-dessus taco et pris un cocktail d’antibiotiques, car on ne savait pas encore ce que j’avais. J’ai subi une opération majeure quelques jours plus tard. La bactérie avait endommagé les os de ma joue près de l’œil et fait fondre les graisses autour. C’est pour cette raison que ma joue est plus creuse et mon œil est plus creux dans ma tête. J’avais toujours une sensation d’inconfort, comme si j’avais du liquide dans le nez. J’ai encore cette sensation aujourd’hui.»
Son avocat, Me Jean-Pierre Ménard, spécialiste des causes reliées au domaine de la santé, considère que ce type de dossier est parmi les plus difficiles à transiger. «Une fois en procès, tout dépend de la façon dont le juge voit les choses. On ne peut s’appuyer uniquement sur les conséquences vécues par la personne et c’est nous qui avons le fardeau de la preuve. Nous pensions avoir amené tout ce qui était possible pour gagner mais ce ne fut pas le cas.»
Tout en déplorant le verdict, il continue d’espérer que les gens osent porter plainte lorsqu’ils sont insatisfaits d’une situation. «Mme Bilodeau avait un bon dossier. Les experts des deux partis étaient divergents et le juge a choisi de retenir l’opinion de ceux de la défense à notre grande déception.»
Mme Bilodeau observe elle aussi que la défense a réussi à faire valoir son point de vue. «Ils ont joué beaucoup avec la grandeur du trou qui s’est possiblement agrandi depuis ma première visite chez le dentiste et avant ma première rencontre à l’hôpital. «Je voyais le trou lors de ma première visite à l’hôpital. Actuellement, ils n’ont qu’une photocopie alors on ne voit rien».
Une sérénité si possible
Même si elle a retrouvé une certaine qualité de vie, certains dommages sont irréversibles et les effets sur son moral indéniables. «Lorsque j’ai décidé de consulter des avocats, je me suis rendue à Montréal où là, on m’a fait rencontrer des spécialistes. On m’a dit qu’il y avait peut-être certaines choses à faire, mais je n’ai plus le goût de me faire jouer dans la face. À chaque fois que j’ai une opération, j’ai peur d’attraper quelque chose ou que ça ne fonctionne pas. C’est difficile maintenant pour moi de faire confiance lorsqu’on parle de santé.»
À l’aube de la cinquantaine, cette mère de quatre enfants, dont deux jeunes adultes, doit maintenant apprendre à s’accepter et regagner une certaine confiance. «Aujourd’hui je m’accepte plus qu’avant. On apprend à vivre avec une chose comme ça. Je me suis habituée à la solitude. Les enfants me disent que j’étais plus belle avant. Ils sont marqués par cela. J’avais tellement mauvaise haleine à l’époque et j’ai tellement peur que ça demeure que je me brosse les dents de quatre à cinq fois par jour. Ce sont des enfants mais ça fait mal.»
Aide-cuisinière depuis 14 ans, Mme Bilodeau remercie l’ouverture affichée par ses employeurs, la Congrégation des Sœurs de Notre-Dame du Perpétuel Secours, de même que celle de ses collègues et de son entourage. «Mes employeurs comprennent ma situation et m’ont supporté tout au long du processus. Ils ont été corrects avec moi. J’ai des collègues de travail formidables. Si je ne n’avais pas eu tout ce monde-là autour de moi, ma famille, mes enfants, mes collègues, mes amis je ne sais pas si je serais encore là.»
Lynda Bilodeau avoue être indécise sur la suite des choses pour le moment. «Il n’y a pas un matin que je ne pense pas à mon dentiste lorsque je me réveille. J’ai eu le verdict le 8 avril. J’ai dû l’encaisser. Je ne peux pas laisser ça comme ça. Je suis une gagnante et une battante.
Là j’ai perdu et ça ne fait pas mon affaire. En même temps, je suis épuisée, tannée. Je n’ai pas le goût. Ce que je pourrais faire ne m’apportera rien financièrement. Je dois me débrouiller avec une facture de plusieurs milliers de dollars en frais d’avocat à assumer. Je me sens tellement mal, j’ai le visage tout croche, je baille d’un seul côté, je me réveille la nuit pour mettre des gouttes car je dors les yeux ouverts toutes les nuits en raison de ma situation».