Agressée par son oncle: Elle espère tourner la page

JUSTICE. Stéphanie (nom fictif) a été agressée sexuellement par son oncle à maintes reprises dès l’âge de six ans. Son agresseur a finalement fait six victimes, toutes parmi des membres de la famille.

Aujourd’hui âgée de 46 ans, elle habite avec son conjoint depuis maintenant six ans. Ce dernier l’a encouragé à dénoncer son bourreau après un an de fréquentation. La femme de la région avoue avoir mis du temps à dévoiler les faits, mais espère que les démarches qu’elle a entreprises lui permettront de trouver une certaine sérénité, surtout que son agresseur a été reconnu coupable et est en attente de sa sentence. «Il fallait que ça finisse et que je parvienne à mettre ça derrière moi. J’ai été écoutée et crûe. Le reste ne m’appartient plus maintenant.»

Elle dit avoir tenté d’obtenir réparation il y a trois ans en acheminant une mise en demeure à son assaillant, avec un montant forfaitaire proposé. Ce dernier a toutefois rejeté la proposition, estimant n’avoir rien à se reprocher.

Plusieurs épisodes

Stéphanie précise que son oncle a commencé à profiter de sa jeunesse alors qu’elle était âgée d’à peine six ans et jusqu’à l’âge de 15 ans. «C’est une famille de trois enfants et nous aussi étions trois enfants. Comme ils étaient appelés à déménager souvent, les rencontres se faisaient généralement dans le cadre de partys de famille ou pendant les vacances d’été. Ils venaient toujours coucher chez nous lorsqu’ils étaient en visite.»

Son oncle a rapidement saisi l’occasion de profiter de certaines situations, nous a-t-elle raconté. «Comme j’étais la plus vieille, c’est moi qui avais droit au lit lorsque mes cousins et cousines nous visitaient. Les autres dormaient sur le sol, dans des sacs de couchage. Mon oncle disait à mes parents qu’il venait nous raconter une histoire pour nous endormir. C’est là qu’il en profitait. Il s’assoyait sur mon lit et levait la couverture. Personne n’avait connaissance de rien, car il faisait noir.»

L’attention que lui portait son oncle en bas âge lui faisait plaisir, comme tous les enfants estime-t-elle. «Au début, c’était des compliments du style, t’es belle, t’es ma préféré! Tout ça a finalement mené à une pénétration quand j’ai eu 13 ans», indique celle qui réside aujourd’hui en Beauce mais qui a aussi demeuré dans quelques localités de Bellechasse.

Ses premiers malaises sont apparus assez rapidement. «Quand j’étais jeune et qu’il était chez nous, je prenais mon toutou et j’allais me coucher au pied du lit de mes parents. Je savais que dans la nuit, il était pour se lever. Ne sachant rien, mon père me disait de faire la grande fille et de donner l’exemple en allant me coucher dans la chambre avec les autres enfants.»

Elle indique avoir cherché à l’éviter par différents stratagèmes. «Plus je vieillissais, plus j’avais peur. Je demandais à mes cousines de m’accompagner à la toilette et il répliquait en me traitant de bébé ou que je manquais de maturité. Il en profitait lorsque j’étais seule pour venir me rejoindre. Aujourd’hui, mes cousines comprennent, mais à l’époque, ce n’était pas le cas.»

C’est finalement à l’école qu’elle a pu se libérer de son secret et étaler celui-ci au grand jour. «À 14 ans, lors d’un cours d’enseignement religieux à l’école, on nous a demandé d’écrire une lettre et de nous libérer d’un secret. J’étais la seule qui écrivait en lettre détachée dans la classe. L’enseignante nous avait demandé de chiffonner notre feuille par la suite, nous disant qu’on allait brûler toutes les lettres. Comment et pourquoi l’a-t-elle finalement lu? Je ne sais pas, sauf qu’un jour, j’ai été convoquée chez le directeur avec la psychologue, l’infirmière, l’enseignante et ma mère qui pleurait. C’est là qu’on m’a dit avoir lu ce que j’avais écrit.»

Amour et jalousie

Une fois les événements connus, l’oncle n’a eu d’autre choix que de prendre ses distances avec sa nièce, sauf qu’il est revenu à la charge quelques années plus tard se souvient-elle. «Je suis tombée enceinte à l’âge de 17 ans et il est devenu très jaloux de mon chum à l’époque. Il m’avait invitée au restaurant à l’époque pour me dire qu’il allait laisser ma tante et me marier, parce qu’il rêvait à moi. Ça n’avait aucun sens. Il a fait la même chose avec l’une de mes cousines. Il était jaloux de nos chums», a-t-elle remarqué.

Il a finalement tenté une première fois d’obtenir son silence. «J’ai eu ma fille quelque temps après et au baptême, il m’a offert un petit montant d’argent à ce moment pour que je ne dise rien à personne. Je lui ai dit que mon silence ne valait pas ce montant-là. C’est aussi là que je l’ai mis en garde de ne jamais toucher à ma fille.»

Une vie difficile

Ce n’est qu’au bout de plus de 25 ans, de deux tentatives de suicide et d’une thérapie de six mois qu’elle a finalement décidé de répliquer. «En 2006, je venais de me séparer d’avec mon mari avec qui j’ai été mariée plusieurs années et cela faisait un échec dans ma vie, je venais de rater mon mariage. La deuxième, c’est en 2013 lorsque ma grand-mère est décédée. C’était ma marraine, ma muse, ma confidente.»

Sans faire un lien direct avec les événements et l’ensemble de sa vie, elle remarque tout de même avoir vécu certains dérapages. «Je n’ai pas été chanceuse avec les hommes au cours de ma vie. Je ne sais pas ce que je cherchais, mais j’ai toujours attrapé des «bad boys». On dirait que je voulais jouer à la Mère Térésa. Le père de ma fille est parti avec l’infirmière au bout de deux semaines. J’ai ensuite rencontré un homme qui m’a battu pendant deux ans pour finalement rencontrer son conjoint après avoir été seule pendant deux ans.»

Des moments plus délicats se sont aussi produits au cours des dernières années. Même au travail, il lui arrive que certains mauvais souvenirs apparaissent. «Je me rappelle avoir travaillé dans un restaurant. Il y avait un client que je n’étais pas capable de servir, car il avait les mêmes mains, la même carrure et pas de cheveux. C’était un bon monsieur pourtant. J’en ai parlé à ma patronne. Je me suis mise à pleurer et j’ai revécu la même chose il y a quelques semaines en recevant quelqu’un au bureau. J’ai revu les mêmes mains que celles de mon oncle encore une fois.» Aujourd’hui, Stéphanie réussit à mieux composer avec ses souvenirs et adapter son quotidien en conséquence.

Tourner la page

Aujourd’hui grand-mère de deux petits-enfants, Stéphanie espère que les procédures inciteront d’autres victimes à suivre son exemple. Elle invite les parents de jeunes enfants à porter attention à certains indices. «Je ne veux pas que les victimes perdent courage et je veux aussi que les parents soient alertes. Si je peux permettre aussi à des gardiennes ou autres de sortir du placard, ce serait une bonne chose. Mes parents s’en veulent aujourd’hui, car ils estiment ne pas avoir su voir ce qui se passait. Ils disent ne pas avoir remarqué les signes entourant tout ça.»

Consciente que certaines personnes ont pu la juger au cours de sa vie en raison de certains de ses agissements ou de certaines de ses réactions, elle dit espérer que plusieurs pourront faire un parallèle avec le temps. «Ceux qui pensent que j’ai eu des comportements bizarres dans ma vie comprendront peut-être pourquoi. Ma fille est au courant de ce que j’ai vécu et sa réaction a été de dire: «Aujourd’hui, je comprends pourquoi ma mère, c’est une bizarre.»

L’une des raisons qui amène Stéphanie à critiquer la lenteur du système judiciaire est l’absence de surveillance entourant les agresseurs pendant le processus. «Les procédures, c’est long, c’est pénible. Je sais qu’il n’a pas encore été condamné, mais entretemps, rien ne protège les victimes. Il a passé ses étés sur les terrains de soccer où les petites de la famille évoluent. Qui nous dit qu’il n’en a pas fait d’autres? Il était libre et se promenait alors que rien ne nous dit qu’il est guéri.»

Stéphanie a maintenant hâte de pouvoir passer à autre chose. «La cause a été reportée plusieurs fois. J’ai fait heureusement partie d’un programme qui permettait d’accélérer les choses depuis l’an dernier. Ça aurait pu prendre deux ou trois ans de plus», dit-elle en terminant.