Agressée sexuellement: son frère finalement condamné

SOCIÉTÉ. Véronique (nom fictif) a vu son propre frère être condamné récemment à prendre le chemin de la prison pour des gestes à caractère sexuel commis à son endroit alors qu’elle était en bas âge.

Maintenant au début de la trentaine, elle jubile depuis que le verdict a été rendu et une condamnation prononcée. «Je suis tellement fière de mon accomplissement, je le vois comme ça. Ça a pris quand même deux ans de procédures. Ce n’est pas tout le monde qui parle et moi j’ai réussi à le faire».

Son cheminement n’a rien de banal. Les gestes dont elle a été victime ont été commis sur une période d’environ 10 ans. «Ça a commencé quand j’avais quatre ans. Il n’a pas été accusé pour un certain temps, car il n’avait pas 18 ans. Ce à quoi il a été condamné, ce sont des événements survenus alors qu’il était majeur».

Les choses ont commencé de manière anodine pour ensuite devenir davantage osées. «C’était lorsqu’il nous gardait. Au départ à la maison familiale et après qu’il soit déménagé, les choses se sont poursuivies lorsque j’allais chez lui et sa conjointe. Il pouvait y avoir un délai entre deux agressions. Des fois quelques jours, d’autres fois quelques semaines».

Résidente d’une municipalité dans Bellechasse, Véronique n’est pas la seule à avoir été abusée, puisqu’une autre femme faisait aussi partie des plaignantes. «Un jour, il avait mis un film porno à la télévision. Il m’a expliqué qu’ils coupaient de la viande, ce que j’ai cru. Quelques jours plus tard alors qu’il nous gardait, moi et l’autre victime. Il m’a demandé si je souhaitais voir le film de l’autre fois. J’ai dit oui. C’était un film porno. Il avait camouflé les fenêtres avec des couvertures et des coussins par terre. Il nous a alors demandé de faire comme la dame à la télé, alors nous l’avons fait, comme la madame».

Les gestes se sont aggravés progressivement, alors qu’elle avait à peine 10 ans. «Plus je grandissais, plus il m’en demandait. Au début, c’était toujours moi qui lui faisais des choses et après cela a changé. Je ne voulais pas, mais c’est quelqu’un d’entreprenant. Il achale et achale jusqu’à ce qu’il obtienne ce qu’il veut. Il ne cédait pas. J’ai dit non souvent et régulièrement, mais il revenait toujours à la charge et de manière insistante».

Elle avait aussi ses raisons de garder le silence puisque celui-ci l’exigeait. «Si tu le dis, papa va nous mettre dehors et on ne se verra plus à Noël, c’était beaucoup de chantage émotif. J’en ai parlé à l’une de mes amies qui avait vécu des choses semblables. Nous étions de bonnes amies. Elle en avait parlé à sa travailleuse sociale et avait déjà dénoncé. Moi, je n’étais pas prête à ce moment-là».

Vivre avec les conséquences

Véronique parle de blocages lorsqu’elle souhaite illustrer les relations qu’elle a entretenues avec les garçons étant jeune, puis avec ses conjoints par la suite. Des choses se sont améliorées avec le temps. «C’est surtout ce qui est dans ma bulle. Me faire toucher était très intimidant. Me faire faire des choses. Je ne peux décrire le feeling que cela me faisait. Ce qui devait être agréable ne l’était pas du tout. C’est beaucoup mieux aujourd’hui, car j’ai rencontré une psychologue et cela m’a aidé».

Elle est aujourd’hui mère de deux enfants, «Mon premier, j’ai été incapable de l’allaiter. Je donnais mon lait, mais je lui tirais. J’étais incapable de supporter la sensation d’une bouche sur mes seins. Par contre, j’ai réussi à le faire à mon deuxième. J’ai déjà aussi eu de la difficulté à laver les parties intimes de mes enfants, mais encore là, c’est moins pire qu’avant».

La vie continue

Véronique a réussi à maintenir quelques relations pendant un certain temps dans le passé. Travaillant au public et de belle apparence, Véronique sait qu’elle est susceptible de se faire courtiser et taquiner dans certains contextes. «J’ai dû apprendre à accepter les compliments. Avant, je ne les prenais pas. Généralement, je connais ceux que je côtoie. Je me suis fait un caractère aussi pour réagir lorsqu’on m’aborde convenablement ou pas».

Elle avoue aujourd’hui que ses sentiments et sa perception envers son frère ont changé avec le temps. «Je l’aimais quand j’étais plus jeune. C’était comme deux personnes au début. Le membre de ma famille et le monstre lorsqu’il me faisait ce genre de choses. Vers l’âge de 13 ans, j’ai finalement pu réaliser que c’était la même personne et le membre de la famille avait pris le bord. J’ai finalement été capable de mettre mes culottes vers l’âge de 14 ans. Peut-être que mes premières menstruations l’ont aussi rendu plus méfiant».

Des gens de son entourage auraient espéré qu’elle agisse différemment. «Pour certaines personnes, j’aurais dû vivre avec ça et apprendre à pardonner. Même si je ne le vois plus comme ça, il demeure mon frère. Si au moins il avait des remords, ce serait plus facile de lui pardonner. J’espère que son séjour en prison lui permettra de réaliser certaines choses et de se faire soigner au besoin».

En plus de sa peine d’emprisonnement, son agresseur sera également enregistré à perpétuité dans le registre des délinquants sexuels. Il ne pourra posséder d’arme à feu, se promener dans les parcs publics pendant une période de 10 ans et accepter un emploi rémunéré qui vise des personnes âgées de moins de 16 ans.