Ralentissement économique moindre qu’appréhendé, selon l’économiste Jean-René Ouellet

ÉCONOMIE. Plus de 70 personnes ont assisté au souper-conférence de la Chambre de commerce Bellechasse-Etchemins tenu le mercredi 21 février dernier.

Vice-président Stratégie chez Desjardins, Jean-René Ouellet était le conférencier invité pour l’occasion et ce dernier en a profité pour effectuer une mise au point de la situation économique actuelle dans la région, au Québec et en Amérique du Nord, en plus de parler de ce qui se passe actuellement chez Desjardins, notamment dans Bellechasse où l’institution financière a récemment annoncé la fermeture prochaine des centres de services de Saint-Damien et Saint-Gervais, ainsi que le retrait d’un certain nombre de guichets automatiques.

Lors de sa présentation ainsi que lors d’un entretien avec le journal dans les minutes précédant celle-ci, il a indiqué que la récession appréhendée, bien que présente, était somme toute modeste à l’échelle du pays, ajoutant que les entreprises s’en tiraient assez bien pour le moment. Il fait toutefois état de certains signes montrant que cette récession est bien présente.

« Il y a l’endettement des ménages qui est élevé. Les deux tiers des ménages au Canada ont dit vouloir réduire leurs dépenses en raison des taux d’intérêts et de l’inflation qui sont élevés. Des entreprises qui nous parlent aussi des inquiétudes qu’elles ont au niveau du carnet de commande, de l’accès au crédit. C’est un peu plus difficile de leur côté également », reconnaissait-il en ajoutant toutefois que la propension des entreprises à congédier des gens, qui était très présente durant la pandémie, s’est estompée au cours des dernières années, ce qui aidera à limiter les effets du ressac attendu.

« Avec le vieillissement de la population qui est assez prononcé dans certaines régions du Québec et en sachant que des départs à la retraite viendront, les entreprises se demandent si c’est bon de congédier des gens maintenant en sachant que de 10 à 15 % de leurs employés vont partir à la retraite d’ici 3 à 5 ans », poursuit-il en précisant que les grands projets d’infrastructures en cours aux États-Unis et les sommes requises pour la transition énergétique auront assurément des effet positifs pour les entreprises manufacturières du Québec et de l’Ontario dans un futur rapproché.

Prêts COVID

En ce qui a trait aux prêts COVID que bien des entreprises ont de la difficulté à rembourser, il rappelle que certaines d’entre elles ont possiblement obtenu ce soutien alors qu’elles étaient déjà dans une situation précaire.

« On a vu les taux de défaut et de défaillance baisser dans les années COVID, mais nous assistons à un retour à la réalité qui nous permet de voir qui va bien et qui va moins bien. On comprend que certaines entreprises vont bien ou mieux, notamment celles tournées vers l’industriel ou l’exportation, ce qui est moins le cas pour les entreprises plus sensibles à la consommation discrétionnaire comme la restauration, l’achat de VR, de motoneige et autres », remarque-t-il en ajoutant que les provisions pour mauvaises créances sont nombreuses non seulement chez Desjardins, mais pour l’ensemble des institutions financières au Canada.

Il rappelle que les entrepreneurs ont connu les pires fermetures et à provision lors de la COVID, avec les règles de sécurité, les plexiglas, les masques, les changements sur l’importation et l’exportation, sans oublier les pénuries de main-d’œuvre.

« Cela a été excessivement difficile pour nos entrepreneurs, de sorte que dans certains cas, ils se sont mis à gérer tellement leur entreprise au quotidien qu’ils ont arrêté d’être stratégiques et de penser vers où ils seront demain, dans trois ou cinq ans. Dans le ralentissement qu’on appréhende, j’espère que les entrepreneurs ont faire deux choses : prendre le temps de penser à eux, à leur santé mentale, physique et collective ainsi qu’à leur famille, puis prendre le temps de se projeter dans le futur. »

Taux d’intérêt

M. Ouellet se dit également conscient que les taux d’intérêt élevés ont un effet sur la santé financière autant des familles que des entreprises, rappelant que certains joueurs, notamment dans l’immobilier, l’ont eu plus difficile que d’autres.

« Dans les années de taux d’intérêt très bas avec la politique monétaire au fédéral qui était accotée au plancher, cela a amené certains entrepreneurs à prendre plus de risques et utiliser des leviers financiers quand le coût du financement n’était pas très cher. C’est le fun quand ça va bien, mais on a eu le pire choc inflationniste des 40 dernières années, ce qui a amené la Banque du Canada et les autres grandes centrales bancaires de la planète à rehausser les taux directeurs et on a assisté au plus fort resserrement monétaire des 40 dernières années. Quand le taux directeur passe de 0 à 5 % et que vous avez 100 000 $, un million ou cinq millions de dollars d’emprunts à renouveler, c’est certain que tôt ou tard, ça mord. Certaines entreprises sont assez robustes pour en passer une partie à leur clientèle, mais pour ceux qui n’ont pas cette capacité-là, soit elles le prennent dans leur marge bénéficiaire, soit elles voient leur rentabilité diminuer. »

Desjardins et l’occupation du territoire

En ce qui a trait enfin aux récentes coupures annoncées par Desjardins, notamment dans Bellechasse, M. Ouellet a rappelé lui aussi que de telles décisions d’affaires n’étaient pas toujours agréables ou faciles à prendre, que rien n’était parfait et que tout sera fait pour accompagner les gens dans la transition, que soit dans Bellechasse ou ailleurs.

« Desjardins a sa propre structure et des conseils d’administration où les membres sont représentés et doivent prendre des décisions au niveau de la rentabilité des opérations dans chacun des créneaux. Garder des guichets automatiques ouverts quand il y a 12 visites par mois, ça ne devient pas une opération rentable. Est-ce que les communautés sont prêtes à assumer ces coûts ? Il y a des décisions d’affaires à prendre, même si ce n’est pas toujours des décisions agréables ou faciles à prendre. Il y a des mesures compensatoires et d’accompagnement qui sont prises, des mesures de transition vers les volets plus en ligne. Ce n’est pas parfait, les gens sont ciblés dans leur coin et il n’y a personne qui aime cela, mais ce ne sont jamais des décisions qui sont prises à la légère. »

Il rappelle que Desjardins est l’institution financière ayant la plus forte présence dans l’ensemble des régions du Québec et que l’occupation du territoire et l’accessibilité aux services financiers n’étaient pas une responsabilité unique de Desjardins, qu’il s’agissait également d’une responsabilité collective, des gouvernements et des autorités municipales.