Aider des itinérants peut susciter des réactions négatives au Labrador

HAPPY VALLEY-GOOSE BAY, T.-N.-L. — Venir en aide aux personnes itinérantes n’est habituellement pas une activité controversée, mais ce n’est pas le cas à Happy Valley-Goose Bay, au Labrador.

Ainsi, des gens qui aident les sans-abris vivant dans les bois situés dans et autour de la vile disent rencontrer de l’opposition de la population.

Le nombre de personnes ayant besoin d’aide a augmenté au cours des récentes années. D’une dizaine, ils sont passés à plus de 80.

Pendant que les gouvernements et les organisations tentent de leur trouver un logement, la collectivité est divisée sur l’aide qu’on peut leur apporter. 

Byron Kean, de l’Armée du Salut, dit que la population doit être sensibilisée sur les gens vivant dans les sentiers boisés. Nombreux sont Autochtones. Il ajoute que la population doit mieux comprendre les problèmes d’accoutumance et de santé mentale ainsi que le traumatisme intergénérationnel que ces gens vivent.

«On nous accuse de les encourager», mentionne M. Kean. Il raconte que des gens les crient après lorsqu’ils donnent des repas. «Ces individus nous font un doigt d’honneur, mais si des gens ont besoin d’un repas, nous allons leur fournir un repas.»

La ville de Happy Valley-Goose Bay est une ville d’environ 8000 habitants qui s’étend sur les rives du fleuve Churchill. Certains jours, de nombreux coureurs, cyclistes et passants occupent le réseau de sentiers de la région. 

Toutefois, il est évident que des sans abris vivent dans le bois, le long des sentiers. On peut voir des détritus: bâches, boîtes d’aliment et caisses de bière vides, reste de feu. De plus en plus de jeunes hommes vivent parmi eux. Ceux-ci sont plus agressifs, constate M. Kean. Ils volent dans les magasins locaux, commettent des vols par effraction et s’enfuient dans les sentiers.

Des familles ont été surprises de voir des étrangers dans leur maison et leur garage. «C’est effrayant», reconnaît M. Kean.

Maison de transition

En mars, le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador avait réservé 30 millions pour la construction d’un abri d’urgence comptant 30 chambres, de 20 chambres de transition et de 20 logements abordables supervisés. Il compte aussi investir dans des programmes d’aide à la santé mentale et de soutien à la culture. Plusieurs des sans abris viennent des communautés autochtones disséminées le long de la côte.

Mais ce projet divise la population, reconnaît le maire George Andrews. Des résidents et lui-même craignent que ces installations n’attirent plus de sans-abris dans la région.

«La majorité de ceux qui peuvent nous inquiéter sur le plan de la sécurité publique ne sont pas des itinérants, souligne-t-il. Certains sont venus chez nous pour une brève période pour un simple rendez-vous à l’hôpital et ils ont décidé de rester.»

Des fonctionnaires de la société de logements de la province ont affirmé que le projet était toujours en cours.

M. Andrews insiste pour dire que la principale préoccupation de l’administration provinciale est la sécurité publique. Le conseil municipal a demandé une plus grande présence policière et a fait retirer les bancs publics installés le long des pistes cyclables parce que des gens s’y regroupaient. La GRC a accepté d’envoyer plus de patrouilles dans ce secteur. Le gouvernement provincial a versé près de 500 000 $ à la municipalité pour engager une firme de sécurité. Les gardes seront déployés près de l’école, car le maire soutient que des itinérants ont fait preuve d’exhibitionnisme devant les enfants.

Jeff Matthew, le coordonnateur d’un abri local, est frustré par ceux qui s’opposent au projet. Il déplore un manque d’empathie et de compréhension.

«Si on examine les bases fondamentales du développement de la personne, le premier besoin à satisfaire en priorité est de se loger. Se loger, se nourrir, aimer. Il y a plusieurs vies brisées ici. La population doit savoir l’importance de se sensibiliser à ce que s’est une accoutumance, à ce que s’est un traumatisme.»