Calgary transforme ses vieux édifices de bureaux en immeubles à logements

CALGARY — Aucune ville, où que ce soit, ne serait chaude à l’idée d’avoir un taux d’inoccupation de près de 30 % dans les bureaux de son centre-ville. Confrontée à ce problème, une ville canadienne a mis en place une stratégie qui sert maintenant d’exemple pour toutes les municipalités aux prises avec une pénurie de logements.

La Ville de Calgary travaille activement à convertir des tours de bureaux sous-utilisées en logements résidentiels, grâce à un programme de subventions unique en son genre.

En seulement deux ans, 13 projets de conversion ont été approuvés, tandis que quatre autres sont actuellement à l’étude.

Le premier projet, dans lequel une tour de bureaux de 10 étages a été convertie en immeuble résidentiel de 112 appartements au coût de 38 millions $, est presque terminé et doit accueillir ses premiers locataires dans les prochains mois.

«C’est quelque chose qui peut fonctionner dans n’importe quelle grande ville. Surtout au Canada où, à mon avis, nous avons tous du mal à construire assez de logements», a souligné l’associé aux marchés des capitaux de la société immobilière commerciale Avison Young, Walsh Mannas.

Un programme unique

Le programme d’incitation au développement du centre-ville de Calgary, qui offre 75 $ le pied carré aux propriétaires d’immeubles qui souhaitent convertir des espaces de bureaux sous-utilisés en appartements résidentiels, est unique en Amérique du Nord.

Il a été lancé en 2021, à un moment où la ville – qui abrite plus de sièges sociaux d’entreprises par habitant que partout ailleurs au Canada – était aux prises avec une baisse prolongée des prix du pétrole et les effets de la pandémie de COVID-19.

La valeur des propriétés commerciales au cœur de la ville s’est effondrée en raison d’une vague de licenciements et de consolidations dans le secteur de l’énergie qui a fait en sorte que près d’un tiers des espaces de bureaux de son centre-ville se sont retrouvés vides.

Souhaitant remplir les près de 13,5 millions de pieds carrés d’espace inoccupé et augmenter son assiette fiscale, Calgary a lancé le programme d’incitation dans le but de retirer six millions de pieds carrés de bureaux vides du centre-ville d’ici 2031.

Sheryl McMullen, qui gère le programme pour la Ville de Calgary, ne savait pas quelle allait être la réaction lorsque cette initiative a été mise en place.

Mais le programme s’est avéré si populaire qu’en octobre 2023, la Ville a été contrainte de faire une pause après avoir atteint son seuil de financement de 253 millions $.

«Quand on a lancé le programme, on ne savait pas si on allait recevoir une proposition ou dix», a-t-elle raconté.

«On a fini par en recevoir 15 dès la première ronde. Quand on a vu l’intérêt des promoteurs, on a compris qu’on avait quelque chose de bien entre les mains.»

Une solution à la crise

Le Canada est aux prises avec une crise du logement. Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement, 3,5 millions de logements devront être construits au pays d’ici la fin de la décennie en plus de ceux déjà en construction afin de maintenir l’abordabilité.

Les conversions de bureaux en logements ne sont pas un remède miracle, mais elles peuvent faire partie de la solution, de l’avis du directeur régional pour l’Alberta de la société immobilière commerciale CBRE, Greg Kwong.

«Ce n’est pas la panacée, mais c’est l’un des leviers qu’on peut utiliser pour rendre nos centres-villes plus dynamiques et plus vivants», a-t-il observé.

Au troisième trimestre de 2023, Vancouver et Toronto avaient toutes deux des taux d’inoccupation commerciale au centre-ville de 12,5 %, tandis que ce taux était de 14,7 % à Ottawa, selon les données d’Avison Young.

À Montréal et Edmonton, plus de 20 % des espaces à bureaux au centre-ville sont vides.

«Les centres-villes de Toronto, Vancouver et Montréal sont toujours dans une bien meilleure posture que celui de Calgary, mais ces villes éprouvent également des difficultés dans le marché des bureaux post-COVID», a mentionné M. Mannas.

«Je pense que ça va prendre un peu de temps pour comprendre quelle est la nouvelle réalité des centres-villes. Si on constate que le taux d’inoccupation continue de monter, peut-être que la conversion de bureaux en appartements deviendra plus attrayante.»

Une opération complexe

Transformer une tour de bureaux en immeuble résidentiel n’est toutefois pas une mince tâche.

«Les immeubles de bureaux n’ont pas été conçus pour ça. Il y a plusieurs problèmes de conception, ce qui fait peur à beaucoup de développeurs», a affirmé le vice-président principal du développement chez Strategic Group, Ken Toews.

Strategic Group a déjà réalisé trois projets de conversion en Alberta sans l’aide d’un programme d’incitation. S’il est en faveur de ce modèle, M. Toews a avoué que la plupart des projets de conversion nécessitent une certaine forme de soutien financier de la part du gouvernement.

À mesure que davantage de conversions seront réalisées et que les promoteurs et les architectes acquerront plus d’expérience, une plus grande variété de bâtiments deviendront des candidats viables, a indiqué M. Toews.

«On sait que ça fait partie de la solution à la crise du logement et que ça peut probablement fonctionner dans n’importe quelle ville qui est prête à mettre en place un incitatif financier», a-t-il assuré.

«Avec la crise du logement qui est devant nous, je pense qu’il faut foncer et faire preuve de créativité dans les solutions qu’on trouve.»