Climat et aménagement des forêts: un vaste chantier est nécessaire

MONTRÉAL — Un article publié récemment dans la revue scientifique «Proceedings of the National Academy of Sciences Nexus» (PNAS Nexus) arrive à un constat similaire à celui du Forestier en chef du Québec: il faut diversifier les types d’arbres plantés dans nos forêts et un vaste chantier est nécessaire pour rendre les forêts plus résilientes aux changements climatiques.

Selon un professeur du Département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Christian Messier, la rentabilité économique des espèces d’arbres ne doit plus déterminer l’aménagement de nos forêts. 

L’industrie forestière doit plutôt planter des essences d’arbres adaptées aux nouvelles conditions climatiques et l’industrie de la construction doit s’adapter, en diversifiant les types de bois qu’elle utilise. Ce qui implique donc de remplacer certains types de bois dont se sert l’industrie de la construction, par d’autres, qui ont des caractéristiques similaires.

«Il faut inverser la relation. Actuellement, le besoin de l’industrie dicte le type de forêt qu’on reboise ou qu’on aménage, mais ça devrait être l’inverse. On devrait regarder quels types d’arbres rendent les forêts  plus résilientes et capables de s’adapter aux changements globaux et demander à l’industrie (de la construction) de s’adapter en utilisant les espèces que l’on produit», a résumé Christian Messier, l’un des auteurs de l’étude publiée dans la revue PNAS Nexus.

Il a ajouté que «c’est possible, c’est désirable et c’est aussi une approche qui va probablement aller de l’avant dans le futur, donc c’est un appel à l’industrie pour qu’elle augmente sa flexibilité».

Les auteurs de l’article, des urbanistes et des biologistes, ont étudié la forêt tempérée du sud-est du Canada, en classant les espèces d’arbres en fonction de leurs traits écologiques, mais aussi de leur utilité dans la fabrication de plusieurs produits.

Certains types d’arbres, comme l’épinette blanche ou l’épinette noire, sont peu résilients aux feux de forêt, mais ils représentent pourtant une importante proportion des plantations du Québec.

Cette homogénéisation des écosystèmes forestiers «est évidemment une approche qui simplifie la forêt, qui la rend beaucoup plus susceptible à presque toutes les perturbations».

Il faut donc, selon le chercheur, planter plus de feuillus, de peuplements mixtes, avec des essences adaptées au feu comme les pins gris et rouge et le peuplier.

«L’industrie du bois va devoir s’adapter aux espèces qu’on va favoriser, et ce, de façon régionale. Ça veut dire par exemple qu’en Gaspésie, on ne plantera pas les mêmes espèces qu’en Abitibi, il va donc devoir y avoir une adaptation régionale de l’industrie forestière», a résumé le biologiste.

En raison des changements climatiques, il faut également planter des essences plus au nord de leur aire de répartition traditionnelle, là où les conditions climatiques actuelles et futures sont propices à leur établissement.

«C’est bien connu que plus on a une forêt diversifiée avec des mélanges feuillus conifères, moins ces forêts-là vont brûler», mais «il ne faut pas faire l’erreur de dire qu’on va adapter nos forêts seulement qu’au feu. Les menaces sont beaucoup plus diversifiées que ça, on peut avoir des sécheresses, on peut avoir des maladies, des insectes, donc il faut vraiment une approche de diversification très globale, qui tient compte de l’ensemble des menaces», a ajouté le professeur de l’UQAM.

Les recommandations du Forestier en chef

Diversifier les forêts, planter au nord des espèces d’arbres qui autrefois poussaient seulement au sud, définir des stratégies d’adaptation propres à chaque région et revoir les pratiques forestières actuelles font également partie des recommandations faites mardi par le forestier en chef Louis Pelletier, au gouvernement Legault.

Dans un document intitulé «Changements climatiques: Réflexion sur notre aménagement forestier», le forestier en chef se dit préoccupé pour la pérennité des forêts.

«En fonction des changements climatiques, la forêt de demain ne sera pas celle d’aujourd’hui et sera encore plus différente de la forêt du passé. Nous pensons que notre aménagement forestier, tel que réalisé depuis plusieurs années au Québec, doit évoluer. Nous croyons que le statu quo de nos pratiques ne peut être envisagé face aux défis posés par l’adaptation du milieu forestier à de nouvelles conditions climatiques», peut-on lire dans le document.

Louis Pelletier a souligné que «la gestion de la forêt doit dorénavant être pensée comme un tout intégré afin de diminuer les risques, de préserver la biodiversité, les espèces menacées et les avantages socioéconomiques».

Le forestier en chef a remis ses recommandations à la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina.

Au moment de publier cet article, le bureau de la ministre n’avait pas encore réagi aux recommandations.