Des salles d’inhalation supervisée attendues à Montréal

MONTRÉAL — Après les salles d’injection supervisée, Montréal pourrait bientôt compter sur des salles d’inhalation supervisée. C’est un souhait qu’exprime la santé publique et un projet que caressent certains organismes communautaires.

Au moment où de nouvelles données indiquent que 77 % des surdoses mortelles sur le territoire de la métropole surviennent dans des domiciles, la pertinence des lieux de consommation supervisée n’est plus mise en doute. D’autant plus que les services d’injection supervisée effectuent des nombres records d’interventions d’urgence permettant d’éviter plusieurs décès supplémentaires.

En suivant ce même principe, on veut maintenant permettre aux personnes utilisatrices de drogues qui consomment par inhalation de le faire sous supervision. Les substances ingérées par inhalation de fumée pourraient donc être consommées dans des installations aménagées adéquatement.

«En ce moment, les centres de consommation supervisée ne nous permettent pas d’avoir de l’inhalation en salle, mais c’est de plus en plus fréquent que les gens vont inhaler certaines drogues, que ce soit le fentanyl ou autres», explique le Dr Benoit Corriveau de la Direction régionale de santé publique de Montréal (DRSP).

Actuellement, quatre organismes offrent des services d’injection supervisée, soit Dopamine, Spectre de rue, CACTUS Montréal et l’Anonyme. Ces organismes disposent d’une exemption fédérale leur permettant d’agir comme havre où la loi portant sur la possession de drogue ne s’applique pas. La DRSP veut collaborer avec ces mêmes organismes détenant une expertise pertinente afin de développer des services d’inhalation supervisée.

Chez Dopamine, le directeur général Martin Pagé confirme qu’un projet est sur la table. L’organisme qui possède des locaux sur la rue Sainte-Catherine dans l’arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve veut procéder à un agrandissement pour aménager une salle d’inhalation au cours de la prochaine année.

Il souligne que, contrairement à d’autres régions du pays, on ne peut pas se contenter d’abris extérieurs temporaires en raison de la rudesse de l’hiver. On prévoit donc construire une annexe au bâtiment avec un système de ventilation adéquat pour évacuer des substances toxiques.

«Pour que mon staff intervienne en cas de surdose, il faut une ventilation spéciale qui draine la salle de toute boucane», décrit-il. Martin Pagé insiste aussi sur l’importance d’aménager un espace accueillant et chaleureux pour les usagers.

Une telle initiative nécessite toutefois d’importants investissements, mais aussi de la main-d’œuvre. Pour Dopamine, il s’agit pratiquement de doubler le personnel d’intervention. S’il ne dispose pas encore de tout le financement requis, M. Pagé se dit optimiste.

«Si la santé publique annonce ça, c’est parce qu’ils ont des visées», note-t-il.

CACTUS en réflexion

CACTUS Montréal réfléchit aussi à l’éventualité d’offrir un service d’inhalation supervisée, mais son directeur général, Jean-François Mary, veut s’assurer qu’un tel service offrirait une véritable valeur ajoutée pour ses usagers.

«Il faut bien réfléchir avec notre communauté», insiste-t-il. Cela signifie écouter les besoins des usagers, mais aussi du voisinage au centre-ville. Des tensions sont déjà bien présentes entre des résidants et des utilisateurs de drogues qui fréquentent le site d’injection supervisée de la rue Berger.

Au dire de M. Mary, la réflexion implique donc non seulement la pertinence du service, mais aussi son emplacement. CACTUS pourrait donc offrir les deux services sous le même toit ou dans deux endroits distincts. Mais peu importe le scénario choisi, il faudra du financement, ce qui n’est pas simple dans un contexte où le milieu communautaire est toujours menacé de coupes.

En ce qui concerne les tendances de consommation, le DG de CACTUS dit observer de plus en plus de gens fumer des opioïdes, dont le fentanyl. La puissance de concentration des substances expliquerait en partie cette pratique puisqu’il ne serait plus nécessaire de se l’injecter pour obtenir les mêmes effets.

Soirée de commémoration

Pour les personnes utilisatrices de drogues et leurs proches, la journée du 31 août en est une de commémoration. Cette Journée internationale de sensibilisation aux surdoses est l’occasion de saluer la mémoire des victimes.

Un peu partout dans le monde, on procède à des illuminations utilisant la couleur mauve. L’Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues soulignera l’événement à plusieurs endroits au Québec, dont à la place Émilie-Gamelin à Montréal à compter de 16h. On prévoit des kiosques d’information, de la musique et des témoignages.   

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