ÉCJ de 2018: Le service de police de London s’excuse à la présumée victime

LONDON, Ont. — Près de six ans après qu’une femme présumée victime d’une agression sexuelle qui aurait été perpétrée par cinq anciens joueurs d’Équipe Canada junior ait tiré la sonnette d’alarme, le chef du service de police de London, en Ontario, s’est excusé publiquement pour le temps que les policiers ont mis à déposer des accusations dans cette affaire. 

Le chef Thai Truong a indiqué qu’il ne pouvait entrer dans les détails expliquant pourquoi l’enquête déclenchée en 2018 a été interrompue sans le dépôt d’accusations en 2019, avant d’être réouverte trois ans plus tard. 

Truong a cependant indiqué qu’en son nom, et au nom de son service, il souhaitait offrir «ses excuses les plus sincères» pour le temps que les policiers ont mis à faire progresser cette affaire. 

«Ça ne devrait pas être aussi long, a dit Truong en conférence de presse lundi. Ça ne devrait pas prendre des années et des années avant d’en arriver à un dénouement comme celui d’aujourd’hui.»

Dillon Dube, Cal Foote, Alex Formenton, Carter Hart et Michael McLeod ont été accusés d’agression sexuelle à la fin du mois dernier. Un document judiciaire montre que McLeod fait face à une accusation supplémentaire d’agression sexuelle pour «participation à l’infraction».

Les avocats des cinq joueurs ont déclaré que leurs clients se défendraient contre ces allégations.

Les accusations concernent un incident présumé survenu dans un hôtel de London en juin 2018.

La lieutenant-détective du service de police de London Katherine Dann a indiqué lundi que les policiers avaient trouvé de nouvelles preuves qui leur avaient permis de déposer des accusations. 

La première audience s’est déroulée en matinée lundi, et les avocats des cinq joueurs visés sont apparus en visioconférence d’un tribunal de London, en Ontario. Aucun joueur n’était présent sur place. 

Pendant l’audience lundi, les procureurs ont requis et obtenu un interdit de publication sur l’identité de la plaignante, une procédure habituelle dans ce genre de dossier, et de deux des témoins.

La procureure adjointe Heather Donkers a aussi mentionné que les avocats des joueurs recevraient dans les prochains jours «une communication substantielle de la preuve». Cette opération consiste à communiquer les preuves récoltées par le procureur de la Couronne à la partie défenderesse. 

L’affaire a été reportée au 30 avril, à la suite d’une brève audience. 

Hockey Canada et la Ligue nationale de hockey (LNH), où jouent désormais quatre des cinq accusés, ont également lancé leurs propres enquêtes.

Le commissaire de la LNH, Gary Bettman, a déclaré la semaine dernière que la ligue attendrait la conclusion de l’affaire pénale avant de commenter. Hockey Canada n’a pas publié de déclaration officielle sur les accusations.

Dube joue pour les Flames de Calgary, Hart est gardien de but pour les Flyers de Philadelphie alors que  McLeod et Foote évoluent pour les Devils du New Jersey. Formenton a déjà joué pour les Sénateurs d’Ottawa avant de se joindre à une équipe en Suisse. Tous ont été autorisés à partir en congé pour une durée indéterminée.

Une culture à changer

Des cas comme ceux-ci font partie d’un plus large phénomène sur la culture sportive et la masculinité, selon Michael Kehler, professeur-chercheur à l’Université de Calgary. La culture sportive fait traditionnellement l’éloge d’un certain type de masculinité axé sur la domination, le contrôle et la violence. 

Selon le professeur Kehler, les associations sportives doivent changer le message et le faire d’une manière mettant aussi l’accent sur la plus grande transparence. À son avis, cette cause n’est qu’un élément de la longue histoire des rapports entre la culture sportive et la masculinité et traditionnellement, les hommes et les garçons ont eu peu de comptes à rendre sur leur conduite dans ce milieu.

Dans le camp du Canadien de Montréal, l’entraîneur-chef Martin St-Louis n’a pas caché que cette affaire allait entacher les progrès qui avaient été réalisés ces dernières années pour réformer la culture dans le hockey.

«C’est sûr que ça n’aide pas et on espère que ce sont des incidents isolés. Il y a beaucoup de positif dans ce que la ligue amène. C’est plate de voir du négatif, mais on peut juste éduquer, être responsable (dans nos efforts pour) s’améliorer, et pas juste dans le hockey, mais dans la société. Ce n’est pas réaliste si l’on pense qu’il n’y a jamais d’incidents isolés. Mais il faut continuer de s’améliorer et éduquer», a évoqué St-Louis, après la séance d’entraînement du Canadien au Complexe sportif CN lundi matin.

Ces propos ont été repris en quelque sorte par le capitaine du Tricolore, Nick Suzuki, qui a notamment pris part au match des étoiles de la LNH ce week-end à Toronto. 

«Ça va ralentir le processus, c’est certain», a d’abord évoqué le no 14 du CH au sujet des progrès dans la culture du hockey. 

«Évidemment, quand une grosse histoire comme celle-là sort… ç’a pris cinq ans, et on approche maintenant de son dénouement. J’ignore la date du procès. Ça va de toute évidence affecter l’image des joueurs de hockey dans la société. Ce ne sont que cinq joueurs environ, parmi les milliers d’autres qui évoluent à travers les différentes ligues, sans compter la population en général. Des incidents se produisent, parfois. Ça va affecter les joueurs de hockey, ainsi que les gens de notre entourage. C’est une situation complexe», a résumé Suzuki. 

– Avec Alexis Bélanger-Champagne, de La Presse Canadienne, à Brossard