Fitzgibbon est inquiet du message qu’envoie la judiciarisation du dossier Northvolt

MONTRÉAL — Le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec, Pierre Fitzgibbon, est inquiet du message que la judiciarisation du dossier Northvolt envoie aux investisseurs étrangers. Mais son homologue fédéral, François-Philippe Champagne, voit les choses différemment.

Lors d’une entrevue au micro de l’animateur de radio Paul Arcand lundi matin, le ministre Fitzgibbon a indiqué qu’il était «absolument» inquiet par «l’élan d’hostilité» envers le projet d’usine de batteries pour véhicules électriques en Montérégie.

«Il faut faire attention. Ma crainte, c’est qu’on touche à la crédibilité du Québec» et «disons que, des gens, clairement, se questionnent» et «ils se demandent “est-ce qu’on est bienvenu au Québec? »».

Le ministre a précisé qu’il devait «être prudent» en répondant aux questions de l’animateur du 98,5, rappelant qu’il y a une «injonction qui va être entendue demain».

Northvolt a cessé temporairement les travaux de construction de son usine vendredi, le temps que la Cour supérieure se prononce sur une demande d’injonction.

Le Centre québécois du droit de l’environnement et trois citoyennes ont exigé l’arrêt des travaux. Ils font valoir que le terrain de la multinationale est un «habitat pour de nombreuses espèces animales menacées ou vulnérables» et ils demandent que le projet soit soumis au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).

Un juge entendra les arguments des différentes parties mardi matin à Montréal. D’ici là, les travaux sont sur pause sur le terrain de Northvolt à McMasterville et Saint-Basile-le-Grand.

Champagne a une perspective différente

Le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie ne fait pas la même lecture que son homologue provincial.

Selon François-Philippe Champagne, qui s’est adressé aux médias lundi matin, la judiciarisation du dossier Northvolt ne refroidit pas l’intérêt des investisseurs étrangers.

«Je vous dirais même le contraire, j’ai de plus en plus d’appels de gens qui veulent venir s’installer chez nous», car «on a la main-d’œuvre et des écosystèmes forts»,  a indiqué le ministre Champagne.

Northvolt «sait dans quoi elle s’embarque» et «ce sont de grands garçons», a ajouté le ministre.

Toujours en commentant le mouvement d’opposition au projet, François-Philippe Champagne a ajouté que «dans une société comme la nôtre, les gens peuvent exprimer leur opinion», mais il demande aux citoyens de «regarder l’objectif final» qui est de «transformer l’industrie québécoise vers une industrie plus verte, qui va être soucieuse de l’environnement et qui entre dans l’économie du 21e siècle».

«Vous ne pouvez pas avoir plus soucieux de l’environnement que des Suédois et des Suédoises, on les a choisis. C’est ça que les gens à la maison doivent comprendre. On n’a pas pris n’importe qui, on a choisi une compagnie suédoise qui est soucieuse de l’environnement, qui est soucieuse aussi de travailler avec les communautés», a fait valoir le ministre Champagne.

«Pas besoin» de faire un BAPE

Une partie du mégaprojet d’usine de cellules de batterie Northvolt, celle qui concerne les activités de recyclage, devra être évaluée par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).

Plusieurs groupes environnementaux et des citoyens demandent toutefois que l’ensemble du projet soit soumis à un BAPE.

Questionné à ce sujet par Paul Arcand lundi matin, le ministre Pierre Fitzgibbon a indiqué «qu’il n’y avait pas de besoin» de faire un BAPE car «les règles ne le requièrent pas».

Il a ajouté que le projet devra toutefois «respecter des normes environnementales» imposées par le ministère de l’Environnement.

Un règlement a été modifié en février dernier par Québec pour permettre au projet Northvolt d’échapper à un examen du BAPE, selon des informations d’abord relayées par Radio-Canada.

La capacité de production de l’usine serait de 56 000 tonnes métriques, alors que le Règlement relatif à l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement de certains projets ont été modifiés de façon à éviter une évaluation du BAPE aux usines de batteries qui produisent 60 000 tonnes métriques ou moins.

Les chambres de commerce manifestent leur appui au projet

En fin d’après-midi lundi, la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), la Chambre de commerce et d’industrie de la Vallée-du-Richelieu (CCIVR) et la Chambre de commerce du Mont-Saint-Bruno (CCMSB) ont publié un communiqué pour réitérer leur soutien au projet de Northvolt, un «investissement privé massif et exceptionnel» dans l’histoire de la province.

«La réussite de ce projet constitue un test pour les processus réglementaires et administratifs québécois qui sont rigoureux, mais parfois lourds aussi. Les projets qui contribuent à la réduction des GES à l’échelle tant locale que globale, doivent pouvoir débloquer rapidement si nous sommes sérieux dans notre volonté collective de décarbonation de l’économie», a indiqué Charles Milliard, président-directeur général de la FCCQ.

«Le lieu en question est un terrain vacant contaminé, à vocation industrielle, qui a accueilli pendant des décennies une usine d’explosifs», a tenu à souligner la CCMSB.

Le site projeté pour la construction de l’usine de fabrication et de recyclage de batteries est situé sur un terrain de 171 hectares localisé à Saint-Basile-le-Grand et à McMasterville.

Un rapport environnemental soumis par l’ancien propriétaire du site au ministère de l’Environnent «identifie 21 espèces menacées ou vulnérables ou susceptibles d’être menacées ou vulnérables répertoriées dans un rayon de 8 km du site, notamment le petit blongios, la couleuvre tachetée, la chauve-souris argentée, la chauve-souris rousse, la chauve-souris cendrée, le campagnol sylvestre et la rainette faux-grillon de l’Ouest».