Jean-Talon: Quel impact aura l’échec de la Coalition avenir Québec?

QUÉBEC — Le résultat de l’élection partielle dans Jean-Talon a pris tout le monde par surprise, à la fois par l’ampleur de la victoire du candidat du Parti québécois (PQ), Pascal Paradis, que par le fort signal de mécontentement envoyé au gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ). Quel impact ce vote pourrait-il avoir sur le parti de François Legault?

«C’est clair que c’est un signal de mécontentement», affirme Jean-François Daoust, professeur à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, ajoutant qu’il faudra attendre de voir si cette grogne perdure dans le temps.

Selon lui, il ne serait pas étonnant de voir un changement de discours du gouvernement. 

«On pourrait s’attendre à ce que la CAQ soit réactive aux sensibilités des gens de Québec. C’est une réaction qui est assez naturelle en politique et qui souvent peut être payante. (…) Mais le parti au pouvoir doit maintenir un équilibre entre accorder beaucoup d’attention aux sensibilités de la région de Québec et être en phase avec l’opinion publique dans le reste de la province», explique-t-il. 

Le premier ministre Legault a d’ailleurs déjà indiqué qu’il voulait regagner la confiance des gens de la région de Québec avec une consultation sur le troisième lien.

«Quand un événement politique se produit, les partis vont chercher à interpréter et à définir la portée du signal qui a été envoyé par les électeurs. Dans ce cas-ci, la CAQ a choisi de cibler l’enjeu du troisième lien. (…) Mais ça impose une obligation de résultat pour le gouvernement», expose Éric Montigny, professeur de science politique à l’Université Laval. 

Pour sa part, Jean-François Daoust trouve «étrange» la stratégie de la CAQ autour du troisième lien. «Les électeurs ont voté pour un parti (le PQ) qui est contre le troisième lien tel que la CAQ en parlait auparavant», rappelle-t-il. 

«Guerre culturelle»

Selon le politologue à l’Université Laval Marc André Bodet, le troisième lien – et par extension le tramway de Québec – dépasse le simple enjeu de la mobilité. 

«On a affaire à une guerre culturelle entre deux visions du monde. (…) J’imagine qu’à la CAQ, on se dit qu’en réactivant cette guerre culturelle là, ça plaçait la Coalition avenir Québec au bon endroit», explique-t-il. 

Marc André Bodet rappelle que la région de Québec est un «symbole» pour le gouvernement. «C’est non seulement perdre une circonscription parmi tant d’autres, mais c’est aussi en perdre une au cœur de ce qui a mené à la victoire de la CAQ», soutient-il. 

En plus de changer la dynamique du gouvernement envers les électeurs, M. Bodet croit que les rapports de force au sein de la CAQ pourraient être altérés par le résultat dans Jean-Talon. 

Le politologue pense que le premier ministre va tout faire pour éviter qu’il y ait d’autres élections partielles en gardant son caucus heureux. 

«Sois en maintenant au sein du conseil des ministres des députés qui sont dans des circonscriptions plus sensibles ou encore, en incluant dans son prochain remaniement des députés d’arrière-ban qui sont des circonscriptions plus sensibles de peur qu’il y ait des démissions qui finiraient par miner l’agenda gouvernemental», affirme-t-il. 

«C’est extrêmement surprenant»

Alors que plusieurs observateurs prédisaient une élection serrée entre le PQ et la CAQ dans Jean-Talon, le péquiste Pascal Paradis a plutôt remporté la circonscription avec deux fois plus de votes que son adversaire caquiste, Marie-Anik Shoiry. 

«On se retrouve dans une espèce d’univers parallèle en politique québécoise où le PQ n’a pas des circonscriptions comme Joliette ou Marie-Victorin, mais il a Jean-Talon. C’est extrêmement surprenant», expose Jean-François Daoust.

Ce qui surprend Marc André Bodet, c’est plutôt la force avec laquelle le PQ a remporté la circonscription. «On se serait attendu que la candidate de la CAQ, Marie-Anik Shoiry, passe de 32 % à peut-être 28 % ou 27 %. La baisse a été très importante. C’est une première surprise et c’est un peu en dehors de la norme. La deuxième surprise, c’est qu’il y ait un ralliement aussi fort pour un parti d’opposition», soutient-il. 

Jean-Talon a été une forteresse libérale jusqu’à l’arrivée de la caquiste Joëlle Boutin en 2019. Rappelons toutefois que la circonscription a failli tomber à deux reprises entre les mains du PQ. En 1994, la candidate libérale Margaret F. Delisle l’avait emporté de justesse avec seulement 25 votes d’avance sur sa rivale péquiste Diane Lavallée. Un scénario similaire s’était produit en 1998. Le PLQ avait conservé cette circonscription par seulement 156 voix face au PQ.

«Avec cette victoire, ça peut anticiper une réinstitutionnalisation du PQ. Pour le chef, Paul St-Pierre Plamondon, c’est un atout sur lequel il peut construire pour remobiliser ses militants», affirme pour sa part Éric Montigny. 

Mais le chemin à parcourir avant les prochaines élections en 2026 est encore long. «Robert Bourassa disait toujours que six mois en politique c’était une éternité. Eh bien imaginez trois ans!» ajoute le politologue.