La Cour suprême maintient la condamnation d’un homme qui n’avait pas d’avocat

OTTAWA — La Cour suprême du Canada a confirmé les condamnations pour meurtre d’un homme qui s’est représenté lui-même au procès, mais qui s’est plaint plus tard que la procédure était entachée d’une perception d’iniquité.

Dans une décision unanime prise vendredi, la plus haute cour a déclaré qu’aucune erreur judiciaire n’avait été commise lors du procès d’Emanuel Kahsai.

Il y a cinq ans, un jury a reconnu l’homme de Calgary coupable de deux chefs de meurtre au premier degré pour avoir poignardé mortellement sa mère et une femme vulnérable dont elle s’occupait.

M. Kahsai s’est comporté de manière perturbatrice tout au long du procès devant un tribunal de l’Alberta.

Une majorité des magistrats de la Cour d’appel de l’Alberta avait rejeté la contestation de M. Kahsai de ses condamnations, affirmant qu’il avait pris une décision consciente et calculée d’abuser du processus judiciaire pour tenter de faire dérailler la procédure.

Dissidence

Une opinion dissidente d’un juge de la Cour d’appel avait toutefois ouvert la porte à une audience devant la Cour suprême du Canada.

Dans sa décision, le tribunal supérieur a noté que M. Kahsai n’avait pas coopéré au processus du procès ni présenté de défense cohérente. Il a été expulsé à plusieurs reprises de la salle d’audience en raison de son comportement indiscipliné.

Le juge de première instance a décidé à mi-chemin de la procédure qu’un amicus — un ami de la cour — était nécessaire pour assurer l’équité. L’amicus a contre-interrogé les témoins de la Couronne, mais on lui a dit de ne pas plaider la cause de M. Kahsai.

Celui-ci a fait valoir que le moment de la nomination empêchait l’amicus de se préparer adéquatement. Il a également affirmé que le juge du procès n’aurait pas dû permettre au procès de se terminer sans les plaidoiries finales de la défense.

Nombreux aspects troublants

Écrivant au nom de la Cour suprême, la juge Andromache Karakatsanis a déclaré que c’était une erreur de principe pour le juge d’empêcher l’amicus du procès d’assumer des fonctions contradictoires ou de prononcer un discours de clôture.

«Mais la nomination d’un amicus est une décision hautement discrétionnaire, et le juge de première instance n’avait aucune obligation de nommer un amicus à un moment donné ou de lui confier un mandat en particulier.», a-t-elle écrit.

La juge Karakatsanis a reconnu que le procès comportait de nombreux aspects troublants.

«Ces préoccupations doivent être considérées dans le contexte de la situation exceptionnelle à laquelle était confronté le juge, qui tentait de gérer un procès extrêmement difficile», a-t-elle déclaré.

«Le juge a voulu respecter le choix de M. Kahsai de se représenter en l’aidant et en facilitant sa participation à la procédure, autant que possible.Il est uniquement devenu évident pour le juge du procès que M. Kahsai ne coopèrerait pas avec la cour ou ne présenterait pas de défense utile une fois que le procès était commencé.»

Le juge du procès a pris de nombreuses mesures pour assurer l’équité de M. Kahsai, a écrit la juge Karakatsanis.

Parmi ces mesures : souligner à plusieurs reprises que le jury ne devait pas tenir compte du comportement erratique de M. Kahsai, chercher à rétablir un certain équilibre dans la procédure en demandant à l’amicus du procès de contre-interroger les témoins de la Couronne et en rappelant plusieurs témoins pour permettre que cela se produise.

«Se fiant aux opinions de psychiatres selon lesquels M. Kahsai était apte à subir son procès et perturbait les procédures délibérément, le juge du procès a fait de son mieux pour gérer le processus tout en respectant les décisions clés que l’accusé avait le droit de prendre», a relevé Mme Karakatsanis.

Il n’est pas clair que la nomination d’un amicus plus tôt ou avec un mandat plus large aurait apporté beaucoup de valeur à M. Kahsai, qui a résisté avec force à la nomination de l’ami de la cour et a maintenu son objection à sa participation tout au long du procès, a-t-elle ajouté.

«Selon moi, un membre raisonnable du public, considérant les circonstances du procès dans leur ensemble, ne conclurait pas qu’il y a eu erreur judiciaire. Il estimerait plutôt que le juge du procès, avec l’aide de l’amicus, a suffisamment traité des préoccupations relatives à l’équité du procès, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de tenir un nouveau procès.»