La santé mentale des réservistes demeure à risque, selon un rapport

OTTAWA — Le Canada sous-estime l’impact des urgences nationales comme les incendies de forêt et la COVID-19 sur la santé mentale des réservistes militaires qui y répondent, selon un nouveau rapport.

Gregory Lick, l’ombudsman des Forces armées canadiennes, affirme qu’il existe également des lacunes dans les politiques de soins de santé et une pénurie de professionnels de la santé qui désavantagent les 28 500 réservistes de l’armée par rapport aux membres de la force régulière.

Le rapport de M. Lick publié mercredi indique que certains réservistes qui tentaient d’obtenir des soins de santé mentale par l’intermédiaire des services de santé militaires ont été refoulés parce que le personnel administratif avait l’impression erronée que les réservistes n’étaient pas couverts.

«J’ai eu recours aux services de santé militaires dans le passé et je ne m’y serais jamais attendu, a déclaré M. Lick. C’est vraiment un problème de formation ou de compréhension qui peut être rapidement résolu.»

Mais tout ce qui est identifié dans le rapport n’est pas aussi simple à corriger, explique-t-il.

«Dans les services de santé militaires, comme dans la société canadienne, l’un des plus grands déficits en matière de ressources disponibles pour la santé mentale est le manque de personnel», a-t-il précisé.

Cela signifie que les délais d’attente sont longs pour les services de santé militaires. Le rapport indique qu’il existe une croyance biaisée selon laquelle les interventions nationales ont un impact moindre sur la santé mentale et, dans certains cas, cela a conduit les forces armées à ignorer les contrôles préalables au déploiement des réservistes.

«J’ai été un peu surpris par le nombre de fois où les évaluations des risques n’ont pas été faites, par le nombre de dérogations accordées aux gens pour un déploiement rapide», a-t-il soutenu, tout en concédant que «parfois cela doit se produire lorsqu’il y a une urgence.»

L’armée est invitée à répondre plus souvent aux urgences nationales, et l’enquête a révélé qu’environ 65 pour cent des militaires n’ont pas subi d’examen médical lors de leur dernière opération nationale.

Seulement 38 pour cent des personnes qui ont dit avoir subi un examen médical au cours de la dernière année étaient des membres de la réserve, et il n’y a aucun système en place pour signaler quand une évaluation de santé est requise.

Des interventions éprouvantes

Parmi les activités au pays, il y avait les interventions extrêmement difficiles pendant la pandémie de COVID-19, lorsque l’armée a été appelée pour aider les foyers de soins de longue durée débordés par le virus.

«Ils ont vu quelque chose de vraiment tragique dans ces résidences. Et c’est certainement l’une des raisons pourquoi nous avons examiné cette question particulière», a indiqué M. Lick.

Mais être déployé pour lutter contre des incendies de forêt, pour évacuer des personnes de zones dangereuses alors que les flammes s’y propagent ou pour sauver des personnes confrontées à la montée des eaux de crue a également des conséquences néfastes.

Le Commandement des opérations interarmées du Canada et le système de santé des Forces canadiennes ne suivent pas les membres de la réserve après leur déploiement, et il est moins probable qu’un de leurs commandants remarque si leur santé mentale souffre.

«Après un déploiement national, de nombreux membres de la Première réserve suivent un horaire à temps partiel et n’interagissent pas quotidiennement avec leur chaîne de commandement et leurs pairs», note-t-il dans le rapport.

Plusieurs recommandations énoncées

Le rapport appelle à apporter une série de changements d’ici l’automne 2025, notamment la formalisation des contrôles post-déploiement et le renforcement de la surveillance des examens de santé mentale.

Il s’agit d’élargir les services de soins virtuels pour offrir une meilleure couverture aux réservistes qui ne vivent pas à proximité d’une base ou d’une escadre et d’offrir des informations plus claires sur le soutien auquel les réservistes peuvent accéder. Pour les réservistes qui n’ont accès au système intranet des Forces armées qu’une ou deux fois par semaine, M. Lick a affirmé qu’il est particulièrement important de disposer d’informations sur les avantages sociaux disponibles en ligne.

Le bureau de l’ombudsman a commencé à enquêter sur la santé et le bien-être des membres de la force de réserve en 2015 et indique que la plupart de ses recommandations précédentes n’ont pas été entièrement mises en œuvre.

En conséquence, il existe des politiques incohérentes et peu claires concernant l’accès au soutien en santé mentale.

Entre avril 2017 et mars 2022, 6124 réservistes ont été déployés au Canada dans le cadre de neuf opérations. Depuis, l’armée a dû réagir rapidement face à des inondations, un ouragan majeur et des incendies de forêt records.