Le cerveau peut combattre le déclin cognitif qui accompagne le vieillissement
MONTRÉAL — Le cerveau est en mesure de se réorganiser en réponse à la détérioration qui accompagne le vieillissement, en recrutant d’autres régions pour aider à son fonctionnement et à maintenir la performance cognitive, affirment des chercheurs de la prestigieuse université britannique de Cambridge.
Cela démontre à nouveau que le cerveau conserve, même en vieillissant, une plasticité qu’on associe habituellement aux enfants, a commenté la titulaire de la Chaire de recherche du Canada en neuroscience cognitive du vieillissement et plasticité cérébrale de l’Université de Montréal, la professeure Sylvie Belleville.
«C’est assez récent que les gens y croient vraiment, a-t-elle dit. On a longtemps cru que (…) plus on vieillissait, moins il y avait ces processus neuroplastiques. Mais depuis environ dix ans, on a de plus en plus de données très intéressantes et fortes qui montrent que la compensation est un processus qui continue tard dans la vie.
«Le cerveau est une structure vivante, dynamique, qui continue à bouger, à créer des connexions, tout au long de la vie.»
Publiée dans la revue eLife, l’étude britannique a porté sur 223 adultes âgés de 19 à 87 ans. On a demandé aux participants d’identifier l’intrus dans une série de puzzles pendant qu’on surveillait le flux sanguin dans leur cerveau avec une imagerie par résonance magnétique fonctionnelle.
Sans grande surprise, les chercheurs ont constaté que l’âge entraînait un déclin de la capacité à résoudre le problème.
Mais en examinant les images plus en détail, ils ont découvert une plus grande activité dans deux sections du cerveau des personnes âgées. L’une de ces régions, le cunéus, aide habituellement à se concentrer sur ce qui se trouve devant nous.
«L’augmentation de l’activité dans le cunéus pourrait refléter un changement dans la fréquence à laquelle les personnes âgées regardent (ces puzzles), comme stratégie pour compenser leur mémoire visuelle plus faible», peut-on ainsi lire dans le communiqué de l’Université de Cambridge.
On savait déjà que différents facteurs, comme la stimulation intellectuelle ou l’activité physique, entraînent des changements au niveau du cerveau et confèrent une protection au niveau cognitif, a rappelé Mme Belleville, qui ajoute que «la littérature est claire là-dessus».
Mais la nouvelle étude «nous montre qu’il y a des personnes, quand on vieillit, quand le cerveau commence à avoir des changements au niveau structural, qu’il y a des processus de compensation qui semblent se mettre en place», a-t-elle dit.
Il y a là un important message d’espoir pour les personnes âgées, qui doivent comprendre qu’elles ne sont pas impuissantes face au déclin cognitif qui accompagne le vieillissement, a dit la chercheuse, dont les propres travaux ont témoigné de certaines facettes de cette plasticité cérébrale.
«Ce n’est pas une fatalité, a souligné Mme Belleville. Le cerveau continue à agir et à se défendre.»
La nouvelle étude, poursuit-elle, montre que l’activation d’autres régions du cerveau a vraiment un effet compensatoire et permet de prédire la performance, «et c’est ça qui est intéressant, c’est vraiment important».
Le fait d’avoir mené une vie pendant laquelle on a été stimulés intellectuellement et pendant laquelle on a maintenu une bonne forme physique semble favoriser la mise en place de ces processus compensatoires, a dit Mme Belleville.
«Oui il y a des choses qu’on peut faire pour aider, mais la question critique est de savoir si on peut aussi le faire tard dans la vie, a-t-elle rappelé. Est-ce qu’il est trop tard quand on a 50 ans? La réponse facile et rapide est qu’il n’est pas trop tard, probablement qu’on peut continuer à faire des choses, mais il faut mieux comprendre la mécanique de tout ça.»