L’ombudsman canadienne pour la responsabilité des entreprises annoncera des enquêtes

OTTAWA — L’organisme de surveillance de l’éthique des entreprises d’Ottawa est sur le point d’annoncer des enquêtes pour déterminer si des entreprises canadiennes importent des produits fabriqués dans des usines où le travail forcé est pratiqué en Chine, une mesure que les défenseurs réclament depuis des années.

Les libéraux ont nommé Sheri Meyerhoffer au poste de première ombudsman canadienne pour la responsabilité des entreprises en avril 2019. Les défenseurs et les députés ont depuis reproché au gouvernement de ne pas avoir lancé une seule enquête.

Mme Meyerhoffer doit annoncer des enquêtes sur «les chaînes d’approvisionnement et les opérations de deux entreprises canadiennes» en Chine, sur la base d’une «évaluation initiale des allégations de violations des droits de la personne», selon un communiqué de presse.

Son bureau prévoit également publier 11 autres rapports «dans les prochaines semaines» sur des cas non précisés.

Les libéraux ont promis de créer le poste lors de la campagne électorale de 2015, remplaçant un poste que le gouvernement Harper avait créé en 2009, qui se limitait à conseiller le secteur extractif et à surveiller ses politiques d’entreprise.

Les libéraux ont promulgué le nouveau bureau en 2018, le surnommant l’OCRE, et nommant Sheri Meyerhoffer un an plus tard. Elle a commencé à accepter des plaintes qu’en 2021, et n’a pas encore lancé d’enquête.

«Mon équipe et moi pensons qu’il est plus important de bien faire notre travail que de le faire rapidement», a-t-elle déclaré le mois dernier au comité de la Chambre sur les relations avec la Chine.

Le bureau est depuis longtemps confronté à un débat sur les pouvoirs dont Mme Meyenhoffer a besoin. Des groupes de défense, tels que le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises, réclament depuis longtemps le droit juridique d’exiger des documents et des témoins des entreprises. Mais, certains universitaires ont fait valoir qu’une approche plus coopérative avec l’industrie pourrait être plus susceptible de favoriser le changement.

Un examen juridique externe commandé par Ottawa s’est rangé du côté des défenseurs, affirmant que Mme Meyenhoffer ne peut être efficace sans une ordonnance réglementaire temporaire et/ou une nouvelle législation pour pouvoir forcer les entreprises à divulguer des informations.

Sheri Meyerhoffer elle-même a déclaré aux médias, en novembre 2019, qu’elle demanderait de tels pouvoirs aux libéraux, et elle a confirmé le mois dernier qu’elle espérait toujours obtenir ces pouvoirs.

En juin, Mme Meyerhoffer a déclaré aux députés qu’elle examinait 15 plaintes, les mêmes qu’elle avait décrites en février. Parmi celles-ci, 13 concernaient la région chinoise du Xinjiang, où résident de nombreux Ouïghours, et le reste concernait des entreprises canadiennes opérant au Bangladesh, ainsi que le droit à un salaire décent.

Mme Meyenhoffer a affirmé aux députés, en février, qu’elle savait que les groupes de défense des droits de la personne déconseillaient de déposer des plaintes auprès de son bureau et d’aller directement au tribunal, en partie par crainte de représailles de la part d’entreprises qui n’ont pas à coopérer avec son bureau.

«Parce que nous n’avons pas le pouvoir de contraindre, les organisations de la société civile ne recommandent pas à ceux avec qui elles travaillent de porter leur situation devant l’OCRE pour le règlement des différends, a-t-elle témoigné. Toutes les entreprises ne vont pas s’engager. La seule façon d’avancer et de faire un vrai travail approfondi serait d’avoir ces pouvoirs.»

Mme Meyerhoffer est une avocate dont la carrière s’est concentrée à la fois sur le développement international des droits de la personne et sur le secteur pétrolier de l’Alberta.

Son bureau surveille les rôles de toute entité contrôlée directement ou indirectement par une entreprise canadienne, ce qui comprend les fournisseurs et les entrepreneurs étrangers qui ne travaillent que pour une entreprise basée au Canada.

Le bureau a effectué ses propres examens de problèmes à l’étranger, comme une analyse de dix entreprises canadiennes de vêtements opérant à l’international, qui a trouvé peu de chaînes d’approvisionnement suffisamment bien suivies pour détecter le travail des enfants, car beaucoup ne surveillent leurs systèmes que dans les étapes qui suivent la production des matières premières.

Les partis d’opposition ont critiqué Ottawa pour avoir à peine saisi de cargaisons de marchandises destinées au travail forcé, alors que les États-Unis ont saisi 1530 cargaisons l’an dernier, dont 208 se sont vu refuser l’entrée aux États-Unis.

À la moitié de l’année 2022, les Nations Unies ont constaté que la Chine avait commis de «graves violations des droits de la personne» contre les Ouïghours et d’autres communautés musulmanes, en particulier des détentions arbitraires pouvant constituer des «crimes contre l’humanité», certains ayant été «renvoyés de force» de d’autres pays.

L’ONU affirme que la Chine doit enquêter sur «les allégations de torture, de violences sexuelles, de mauvais traitements, de traitements médicaux forcés, ainsi que de travail forcé et les informations faisant état de décès en détention». Des groupes de défense ont averti que les produits à base de coton et de tomates en provenance de Chine pourraient provenir du travail des esclaves ouïghours.

Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré qu’il attendait ces enquêtes avant de déterminer si la Chine commettait un génocide.

Pékin a rejeté ces rapports, les qualifiant de tentatives de salir une Chine en plein essor. Mais, le pays a sévèrement restreint les reportages des médias et l’analyse des droits de l’homme dans sa province du Xinjiang.

La Chine insiste sur le fait qu’elle met en place des camps de «rééducation» pour éliminer la radicalisation islamique après des attentats meurtriers.