Ottawa veut alléger son système d’aide étrangère pour le rendre plus efficace

OTTAWA — Affaires mondiales Canada réformera son système de financement des initiatives d’aide étrangère afin d’approuver des demandes de financement plus rapidement et d’éliminer les multiples couches de formalités administratives, un irritant soulevé par plusieurs organismes.

Des organismes de bienfaisance affirment que le système d’aide internationale du Canada est notoirement lourd. Le système fournit plus de 6,5 milliards de dollars par an en aide au développement dans tous les domaines, de l’éducation et l’adaptation au changement climatique jusqu’à l’égalité des sexes, en plus du financement humanitaire pour les crises émergentes.

«(Les gestionnaires d’Affaires mondiales Canada) savent qu’ils ont été réticents à prendre des risques. Ils savent que les systèmes sont obsolètes. Ils savent que le fardeau administratif… est trop élevé», a déclaré Shannon Kindornay, cheffe des opérations de Coopération Canada, qui représente plus de 95 organisations non gouvernementales à but non lucratif. 

La refonte, appelée « Initiative de transformation des subventions et des contributions », comprend la mise à jour de la façon dont le personnel d’Affaires mondiales Canada évalue les demandes de financement des groupes d’aide canadiens et étrangers, ainsi que les exigences en matière de rapports qu’Ottawa inclut pour faire le suivi des résultats.

« L'(initiative de transformation des subventions et des contributions) est un aspect important de l’initiative sur l’avenir de la diplomatie (du ministère), dont les objectifs sont de développer une nouvelle expertise en matière de politiques tout en investissant dans de nouveaux outils et systèmes, et en garantissant les investissements les plus innovants et les plus efficaces possible pour les années à venir », a déclaré Geneviève Tremblay, porte-parole d’Affaires mondiales Canada.

Cauchemar bureaucratique

Les groupes travaillant dans le secteur affirment que le système actuel est souvent un cauchemar bureaucratique, Ottawa donnant de vagues instructions pour accéder au financement, puis mettant à jour les formulaires de déclaration et les exigences à plusieurs reprises au cours d’un projet.

Mme Kindornay affirme que la paperasse découle en partie d’une culture qui a commencé sous l’ancien gouvernement conservateur, où les bureaucrates préféraient éviter toute situation qui pourrait mener à des reportages peu flatteurs suggérant que l’aide étrangère est utilisée à mauvais escient.

Le directeur canadien de Save the Children affirme que même les grandes organisations caritatives de longue date ont du mal à faire face à la paperasse d’Ottawa. «C’est un système complexe et il existe des processus et des attentes différents selon les bureaux», a déploré Danny Glenwright.

«Si une organisation comme la nôtre a des difficultés et des défis pour s’y retrouver, je pense que les partenaires locaux, les petites équipes dans les pays avec lesquels nous voulons travailler — ce qui est essentiel pour être aussi efficace que possible avec l’aide étrangère — ont certainement du mal (à s’y retrouver)», a-t-il poursuivi.

Plus de discrétion demandée

M. Glenwright a participé en juin dernier à un événement qu’Affaires mondiales Canada a qualifié de « hackathon de l’appétit pour le risque », une expression non conventionnelle pour un ministère fortement imprégné de protocole et de paperasse. Il a décrit l’événement comme une discussion de grande envergure sur la meilleure façon dont le Canada peut utiliser au mieux ses dollars de développement pour cimenter un véritable changement impulsé par les gens sur le terrain.

Il faisait partie des groupes qui ont exhorté le gouvernement fédéral à donner plus de discrétion aux organismes de bienfaisance sur la façon dont ils utilisent les fonds, puisqu’ils sont limités dans la manière dont ceux-ci sont partagés avec des partenaires étrangers qui n’ont pas de statut officiel d’organisme de bienfaisance au Canada.

Mme Kindornay a souligné qu’Affaires mondiales Canada finance des organisations étrangères qui couvrent toute la gamme des organisations caritatives et organisations mondiales qui opèrent depuis des décennies dans un seul pays, jusqu’aux petits groupes populaires opérant sous des dictatures.

Le financement humanitaire dans des régimes autoritaires peut impliquer «des porte-documents d’argent envoyés par-delà la frontière à une organisation de défense des droits des femmes», a-t-elle déclaré, ce qui rend difficile la remise à Ottawa de reçus montrant comment l’argent a été dépensé.

«En particulier dans certains pays où la sûreté et la sécurité constituent un risque, demander à quelqu’un de conserver un reçu de taxi prouvant qu’il est allé quelque part peut constituer un danger réel pour cette personne», a expliqué Mme Kindornay.

Le ministre du Développement international, Ahmed Hussen, n’a pas donné suite à une demande d’entrevue.