Québec veut obliger des médecins résidents étrangers à pratiquer en région

MONTRÉAL — Après avoir envisagé la possibilité de forcer tous les futurs médecins spécialistes à pratiquer en région dans sa réforme du réseau, le ministre de la Santé, Christian Dubé, ne cible maintenant plus que les étudiants étrangers venus chercher leur formation au Québec.

Une disposition prévue au projet de loi 15 (PL-15) «visant à rendre le réseau de santé et de services sociaux plus efficace» pourrait permettre au ministre d’obliger les étudiants en provenance de l’extérieur de la province à pratiquer leur spécialité médicale en région pour une période de quatre ans à partir de l’obtention de leur permis.

Lors des consultations particulières tenues au printemps dernier, la Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ) s’était vertement opposée à la version originale de l’article 392 selon lequel le gouvernement pouvait se réserver 25 % des places en résidence auxquelles il pouvait assortir l’obligation de «signer un engagement, assorti d’une clause pénale, le cas échéant, à pratiquer pour une période maximale de quatre ans dans la région ou pour l’établissement que le ministre détermine».

Dans son mémoire, la FMRQ qualifiait d’«illégales», de «discriminatoires» et de «moralement douteuses» les dispositions de l’article 392. On dénonçait l’intention du gouvernement d’«imposer d’avance des « conditions de travail » à des personnes qui en sont à plusieurs années encore d’occuper les fonctions liées à ces conditions».

Selon le parcours type d’un futur médecin spécialiste, il doit d’abord effectuer des études universitaires d’une durée de quatre à cinq ans, puis réussir sa résidence en médecine spécialisée d’une durée de quatre à huit ans. Certains ajoutent ensuite une ou plusieurs années supplémentaires afin de parfaire leurs connaissances avec une surspécialisation. 

Les dispositions contestées par la FMRQ étaient pourtant tirées de l’actuelle Loi sur les soins de santé et les services sociaux, bien que celles-ci ne soient pas appliquées.

Le ministre Christian Dubé semble tout de même avoir entendu les critiques de la FMRQ puisqu’il a déposé une proposition de changement parmi sa liasse de 150 amendements déposée la semaine dernière.

Dans la nouvelle version de l’article 392, il n’est plus question de marchander des places en résidence avec les étudiants québécois. Toutefois, l’article 393 demeure. Ce dernier permet au gouvernement de conserver le pouvoir d’«imposer aux étudiants de l’extérieur du Québec la signature, avant le début de leur formation, d’un engagement assorti d’une clause pénale, le cas échéant, à pratiquer pour une période maximale de quatre ans dans la région ou pour l’établissement déterminé par le ministre» si ceux-ci veulent poursuivre leur carrière au Québec.

Bien que ces étudiants venus d’ailleurs soient eux aussi des membres de facto de la FMRQ au moment d’entreprendre leur résidence, la fédération affirme dans une déclaration transmise à La Presse Canadienne «constater avec grande satisfaction» les modifications proposées par le ministre.

En entrevue, le président de la FMRQ, le Dr Cédric Lacombe, réitère s’opposer à toute forme de discrimination, mais il dit accepter une forme de compromis qui règle le problème «pour une majorité des membres».

De l’avis de la fédération, les postes de médecins spécialistes sont déjà contingentés à travers le Québec alors qu’ils sont répartis selon la planification des effectifs médicaux. Il s’agit d’un plan quinquennal élaboré en collaboration par le ministère et les associations de médecins. 

Pour la FMRQ, cette planification et le cadre réglementaire strict qui l’accompagne suffisent amplement à répondre aux besoins des régions sans avoir à marchander des places en résidence avec les étudiants.

Les travaux de la Commission de la santé et des services sociaux ont été ajournés mardi à la suite d’un blitz de six jours d’étude détaillée du PL-15 au cours des deux dernières semaines.

Il faudra attendre la reprise des débats afin de savoir si les amendements seront adoptés ou si d’autres modifications seront soumises.

Quelque 150 articles ont été adoptés jusqu’ici et les parlementaires sont engagés dans une course contre-la-montre pour adopter l’imposante réforme de la santé avant la fin de l’année.

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