Secteur public: les demandes élaguées laissent les syndicats sur leur faim

MONTRÉAL — L’élagage des demandes patronales et syndicales dans le secteur public ne semble pas produire l’effet escompté pour «dégeler» les négociations qui durent depuis des mois.

Des syndicats du secteur public joints par La Presse Canadienne affirment que Québec, sous le couvert d’avoir réduit ses propres demandes avant la mi-octobre, les a en fait déclinées en plusieurs «sous-demandes», qui restent nombreuses et imprécises.

Et les syndicats soutiennent qu’ils ne parviennent pas à obtenir des précisions sur le sens ou la portée de ces demandes patronales élaguées, encore moins par écrit. Ils restent donc dans le néant.

Et, à l’opposé, eux estiment avoir fait un bon bout de chemin pour réduire le nombre de leurs demandes, souvent même par écrit, ou être en voie de le faire dans les prochains jours.

Le 25 septembre dernier, la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, s’était engagée à réduire à cinq le nombre de ses demandes sectorielles — qui touchent les conditions de travail dans des secteurs comme l’éducation ou la santé.

Elle avait demandé à tous les syndicats du secteur public, et non seulement à ceux du front commun, de faire de même, afin d’accroître les chances de renouveler les conventions collectives d’ici la fin de l’année.

La Fédération autonome de l’enseignement (FAE), qui ne fait pas partie du front commun et qui représente 65 000 enseignants du primaire et du secondaire, estime avoir déjà fait l’exercice d’élagage plus tôt en septembre. Et ce qu’a fait Québec comme élagage jusqu’ici la déçoit.

«Il y a encore beaucoup de demandes sur la table là. Madame LeBel, quand elle nous dit ‘on a réduit à cinq’, il faut s’entendre que c’est beaucoup plus que cinq. Quand on fait l’ensemble des propositions qui sont sur l’ensemble des tables, on est plus dans l’ordre d’une trentaine qui sont encore au jeu, au moment où on se parle», affirme la présidente de la FAE, Mélanie Hubert.

Une source proche de la FTQ, qui fait partie du front commun, brosse un portrait similaire des négociations depuis cet épisode des demandes élaguées. 

Les syndicats ont réduit leurs demandes, parfois même par écrit, déjà, ou le feront la semaine prochaine. Mais les dépôts soi-disant élagués de Québec sont généraux et malgré des demandes en ce sens, les syndicats n’ont pas obtenu de précisions écrites.

Et les autres membres du front commun, «c’est pas mal tous le même topo qu’on a» aux tables de négociation, fait-on valoir du côté de la FTQ.

À l’APTS également, la vice-présidente Josée Fréchette indique que dès le départ, l’organisation syndicale «avait présenté un projet atteignable, réalisable» avec seulement 18 demandes.

Et en juillet encore, dit-elle, l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) a refait un exercice pour prioriser le tout. «Pour l’instant, c’est réaliste et ça répond aux besoins de nos membres», commente Mme Fréchette.

En conséquence, «la pression monte», rapportent les syndicats.

À la FAE, Mme Hubert ne s’en cache pas: «pour le moment, on les a retenus. On s’est dit ‘laissons jusqu’au 2 novembre, qui est notre prochaine date de rencontre, pour réévaluer’. L’échéance se rapproche de plus en plus et on sent que la patience de nos membres a ses limites. On cherche à donner toutes les chances possibles à la négociation, mais on atteint le point de rupture.»

La FAE demande donc une rencontre avec la ministre LeBel pour tenter de faire aboutir ce dossier..

Tant le front commun, qui est composé de la CSQ, de la CSN, de l’APTS et de la FTQ, que la FAE ont voté en faveur d’un mandat de grève. Il leur reste à déterminer à quelle date ils exerceront cet ultime moyen de pression, le cas échéant.

Le front commun doit commencer par une ou des journées de grève, avant d’en venir à une grève illimitée, mais dans le cas de la FAE, il s’agirait directement d’une grève illimitée.