Traité sur les plastiques: les prochaines négociations auront lieu à Ottawa

TORONTO — Alors que les derniers pourparlers sur un traité mondial sur les plastiques se sont soldés par des accusations d’impasse, les regards se tournent désormais vers le Canada, qui accueillera le prochain cycle de négociations à un moment où certains avertissent que l’avenir du traité est en jeu. 

Les nations ont conclu dimanche un troisième cycle de négociations au Kenya, dans le cadre d’un programme de cinq réunions visant à élaborer un projet de traité ayant pour but de mettre fin à la pollution plastique mondiale.

Jusqu’à présent, le consensus n’a pas été atteint lors des négociations, Ottawa devant accueillir le prochain cycle en avril. Les groupes environnementaux ont accusé certains pays producteurs de pétrole et des groupes industriels de recourir à des tactiques de blocage dans le but d’édulcorer le traité d’ici la conclusion des négociations, à la fin de l’année prochaine.

«S’ils ne trouvent pas un moyen de contourner ces tactiques de retardement et de détournement, Ottawa pourrait être connu comme l’endroit où le traité a échoué», a déclaré Karen Wirsig, responsable du programme de défense de l’environnement pour les matières plastiques, qui a assisté aux discussions de la semaine dernière.

«Donc oui, les choses sont plus compliquées pour le pays hôte.»

Les délégués ont déclaré que le projet de texte du traité était devenu plus long et plus difficile à faire avancer lors des négociations d’une semaine au Kenya. Les États n’ont pas non plus réussi à parvenir à un consensus sur le travail à effectuer sur le projet avant le prochain cycle à Ottawa.

«Le Canada et d’autres pays très ambitieux devront redoubler d’efforts alors que nous nous rendrons à Ottawa en avril afin de progresser vers un traité efficace et réalisable», a affirmé Mme Wirsig.

Le Canada fait partie d’une coalition de pays «de grande ambition», dirigée par le Rwanda et la Norvège, qui a appelé à des mesures visant à réduire la production à des «niveaux durables» et à des règles mondiales juridiquement contraignantes pour mettre fin à toute pollution plastique d’ici 2040.

Certains pays producteurs de pétrole ont simultanément plaidé pour modifier les mandats du traité précédemment convenus, par exemple en se concentrant sur la gestion des déchets plutôt que sur des interventions tout au long du cycle de vie du plastique. Il y a également eu des pressions pour que le traité se penche sur des mesures volontaires au niveau national pour lutter contre la pollution, plutôt que sur des règles mondiales.

Des négociations qui seront «difficiles»

Le chef de la délégation de Greenpeace a déclaré que les négociations «se dirigent vers la catastrophe».

«Lorsque les négociations reprendront au Canada en avril 2024, nos dirigeants devront être prêts à faire preuve d’un niveau de courage et de leadership que nous n’avons pas encore vu», a plaidé Graham Forbes.

Si aucune mesure n’est prise, les déchets plastiques mondiaux devraient presque tripler d’ici 2060, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Fabriqués à partir de pétrole et d’autres combustibles fossiles, les plastiques représentent également environ 3,4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Moins d’un dixième du plastique est recyclé, y compris au Canada, et les scientifiques estiment qu’environ neuf millions de tonnes finissent dans l’océan chaque année. Les Canadiens produisent environ 2,9 millions de tonnes de déchets plastiques annuellement, qui ne sont ni recyclés ni incinérés.

Le ministre canadien de l’Environnement, Steven Guilbeault, s’adressant aux journalistes lundi, a déclaré que personne ne s’attendait à ce que des négociations accélérées sur un traité mondial soient faciles.

«Les négociations vont être difficiles, a-t-il déclaré. Nous sommes mieux placés pour aider la communauté internationale à trouver les voies menant au succès.»

Plus de 1900 participants venus de 161 pays ont pris part aux dernières négociations. L’industrie a également conservé sa position lors des négociations, avec 143 lobbyistes des produits chimiques et des combustibles fossiles inscrits, soit une augmentation de 36 % par rapport à la cohorte du cycle précédent à Paris, selon une analyse du Centre pour le droit international de l’environnement.

Limiter la pollution, ou la production? 

Isabelle Des Chênes, vice-présidente exécutive de l’Association canadienne de l’industrie de la chimie (ACIC), a affirmé que «tous les regards seront tournés vers le Canada» lors de la prochaine ronde de négociations.

«Nous pensons que l’accord devrait vraiment se concentrer sur la fin de la pollution plastique et non sur la production de plastique. La mise en place de plafonds de production peut réellement restreindre la disponibilité des plastiques pour d’autres utilisations», a dit Mme Des Chênes, s’exprimant depuis le Kenya, la semaine dernière.

«Il est donc très important de garantir que nous nous concentrons sur la création de capacités et d’aptitudes à gérer la fin de vie des plastiques.»

Miriam Diamond, professeure de sciences de la Terre à l’Université de Toronto, explique que la surproduction conduisant à une mauvaise gestion est le principal facteur de pollution plastique.

«Nous savons par expérience qu’ajouter de l’argent, d’investir de l’argent dans la gestion des déchets, alors que la production continue d’augmenter, ne résoudra pas le problème», a-t-elle déclaré.

Mme Diamond est la co-autrice d’un article publié ce mois-ci qui avertissait que les conflits d’intérêts de l’industrie pourraient entraver les négociations sur un traité, et appelait à des garanties pour empêcher toute influence inappropriée sur un groupe scientifique et politique de l’Organisation des Nations unies (ONU) sur la prévention des produits chimiques, des déchets et de la pollution, dont elle participe à l’élaboration.

Le ministre Guilbeault a déjà indiqué qu’il n’était pas opposé aux limites de production, mais a déclaré qu’éliminer la pollution signifiait d’utiliser le plastique avec plus de précautions, et non d’éliminer complètement son utilisation.

Les groupes environnementaux ont poussé M. Guilbeault à offrir un soutien clair à un traité avec des objectifs de réduction de la production. Greenpeace a plaidé en faveur d’un traité qui viserait à réduire la production de 75 % d’ici 2040.

«Ils attendent en quelque sorte de savoir où ils se situeront par rapport à certaines mesures de contrôle clés concernant la réduction de la production de plastique», a dit M. Forbes, de la délégation de Greenpeace.

«Mais je dirais que dans l’ensemble, le Canada joue un rôle assez constructif et nous comptons sur lui pour accroître son leadership.»

Le Canada s’est fixé comme objectif national d’éliminer les déchets plastiques d’ici 2030.

Cependant, la semaine dernière, l’interdiction imposée par le gouvernement sur certains plastiques à usage unique comme les pailles et les sacs d’épicerie a été remise en question lorsque la Cour fédérale a statué qu’Ottawa avait dépassé les limites en désignant tous les «articles fabriqués en plastique» comme toxiques. M. Guilbeault a annoncé lundi que le gouvernement ferait appel de la décision, qui annulait le décret du cabinet à l’origine de l’interdiction.

Un traité solide pourrait aider à donner non seulement au Canada, mais aussi à d’autres pays qui réfléchissent encore à une réglementation sur les plastiques, plus de légitimité pour prendre des mesures agressives, a soutenu Mme Wirsig, du programme de défense de l’environnement pour les matières plastiques.

«Alors que le Canada était peut-être à l’avant-garde en étant si loin en avance sur le traité, le traité pourrait maintenant aider le Canada à terminer le travail», a-t-elle déclaré.

– Avec des informations de l’Associated Press