Un détenu avec des troubles mentaux a subi «divers incidents de recours à la force»

TORONTO — Un homme menotté et souffrant de troubles mentaux a été giflé, frappé plusieurs fois à la tête, aspergé deux fois au visage avec un vaporisateur au poivre et immobilisé face contre terre alors que des agents correctionnels le conduisaient de la douche à sa cellule dans une prison de l’Ontario, a-t-on appris lundi lors de l’enquête du coroner sur son décès.

Soleiman Faqiri a été victime de «divers incidents de recours à la force» dans les instants qui ont précédé sa mort le 15 décembre 2016, au Centre correctionnel du Centre-Est à Lindsay, en Ontario, selon une déclaration commune des faits lue lors de l’enquête.

Il a ensuite été laissé seul, face contre terre, les mains menottées derrière le dos et avec une cagoule anti-crachats sur la tête, à l’intérieur de sa cellule pendant près d’une minute jusqu’à ce qu’un responsable des opérations s’inquiète du fait que M. Faqiri ne respirait pas, indique la déclaration.

Lorsque les agents ont retiré la cagoule, il y avait du liquide à l’intérieur et M. Faqiri ne répondait plus, selon la déclaration. Une alerte médicale a été lancée, déclenchant plusieurs tentatives de réanimation par une infirmière puis par des ambulanciers, précise le document. M. Faqiri, 30 ans, a été déclaré mort environ une demi-heure plus tard par un médecin consulté par téléphone.

«Soleiman n’aurait pas dû mourir ce jour-là dans sa cellule de prison», a soutenu l’avocat du coroner, Prabhu Rajan, dans sa déclaration liminaire lundi, au premier jour de l’enquête.

«Mais plus important encore, il n’aurait pas dû se trouver dans une prison dépourvue de ressources de santé adéquates au sein d’un système plus large qui ne s’occupe pas efficacement des personnes affectées par des problèmes psychiatriques importants.»

M. Faqiri souffrait depuis longtemps d’un trouble de santé mentale majeur : un trouble schizo-affectif, qui combine des caractéristiques de la schizophrénie et de la bipolarité, a indiqué M. Rajan.

Selon l’exposé des faits, qui a été accepté par tous les participants à l’enquête à l’exception du Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario, M. Faqiri était détenu dans cet établissement après son arrestation au début du mois de décembre en 2016, en raison d’allégations selon lesquelles il aurait poignardé un voisin lors d’une crise de santé mentale liée à la schizophrénie. Il a été accusé de voies de fait graves, de menaces de mort et de voies de fait.

Bien qu’il y a consulté un médecin et qu’on lui a prescrit des médicaments antipsychotiques, il n’en prenait pas régulièrement, selon l’enquête. Il a été orienté vers le psychiatre de l’établissement, mais il n’a pas vu ce psychiatre ni aucun autre à aucun moment pendant son séjour en prison.

Alors que son état s’aggravait, une évaluation était prévue pour déterminer s’il était apte à subir son procès, une procédure qui aurait pu conduire à son transfert dans un établissement de santé psychiatrique, indique la déclaration. Toutefois, M. Faqiri a été jugé trop malade pour y assister, selon l’enquête.

Les proches de M. Faqiri ont précédemment déclaré qu’ils espéraient que l’enquête apporterait des réponses sur sa mort et sur les 11 jours qu’il a passés en prison.

La Police provinciale de l’Ontario et la police de Kawartha Lakes ont toutes deux mené une enquête sur cette affaire, mais aucune accusation n’a été portée.

Plusieurs agents témoins

Le jour de sa mort, M. Faqiri a été transféré dans une autre cellule, car la précédente était remplie de deux pouces d’eau à cause de toilettes bouchées. Il a ensuite été emmené dans une cabine de douche sécurisée pour se nettoyer.

Alors qu’il prenait sa douche, M. Faqiri a éclaboussé de l’eau et aspergé du shampoing et du savon sur certains agents, qui ont ensuite dressé un bouclier entre eux et la cabine de douche, indique la déclaration.

Il y a eu des désaccords au sein du personnel correctionnel sur la manière de ramener M. Faqiri dans sa cellule, certains demandant une escorte spéciale, selon la déclaration. Finalement, M. Faqiri a accepté d’être menotté et de retourner «paisiblement» dans sa cellule, moyennant la promesse qu’il recevrait de la nourriture et un exemplaire du Coran, selon le document.

La pièce était froide et, pendant qu’il attendait, M.  Faqiri s’est dit mal à l’aise. Un sergent a dit quelque chose suggérant qu’il déplacerait M. Faqiri lui-même, indique-t-on.

M. Faqiri ne portait qu’un caleçon, les mains menottées devant lui alors qu’il était d’abord conduit, puis poussé vers sa cellule, a appris l’enquête.

Plusieurs agents correctionnels ont déclaré l’avoir vu cracher sur le sergent qui lui tenait les menottes, précise la déclaration. Le sergent a répondu en giflant M. Faqiri, qui s’est ensuite mis en boule avant que le groupe ne le pousse vers la cellule, selon le document.

Il a été aspergé de poivre dans l’embrasure de la porte, puis frappé à plusieurs reprises lorsque les policiers l’ont amené au sol à l’intérieur de la cellule, où il a de nouveau été aspergé de poivre, soutient-on. Un officier pourrait lui avoir posé un genou sur le cou.

Le visage de M. Faqiri n’a jamais été décontaminé du vaporisateur au poivre, selon l’enquête. D’autres agents correctionnels ont été appelés à l’aide, trois d’entre eux étant entrés dans la cellule pour aider à retenir M. Faqiri et d’autres restant à l’extérieur. Les jambes de M. Faqiri étaient enchaînées et il a été maintenu face contre terre tandis que certains agents à l’intérieur échangeaient leur place avec ceux à l’extérieur, selon la déclaration.

Peu de temps après, une cagoule a été mise sur M. Faqiri alors qu’il restait cloué au sol. Ses mains ont été menottées dans le dos avant que les policiers ne quittent la cellule et ne ferment la porte.

L’enquête, menée virtuellement, devrait durer 15 jours et entendre une vingtaine de témoins.