Un sénateur suggère à Ottawa de tabler sur les expatriés canadiens dans le monde

OTTAWA — Un sénateur demande à Ottawa de considérer les millions de citoyens canadiens vivant à l’étranger comme plus que de simples personnes à évacuer en temps de crise.

Le sénateur Yuen Pau Woo soutient que les Canadiens qui vivent à l’étranger ont tissé des liens que le Canada pourrait utiliser afin de renforcer son poids diplomatique, culturel et économique dans le monde.

«Nous sommes un pays paroissial, a-t-il déclaré en entrevue. Malgré toutes nos affirmations d’internationalistes et de mondialisés, nous sommes en réalité assez repliés sur nous-mêmes.»

Le sénateur de la Colombie-Britannique a utilisé une partie du budget de son bureau pour commander une étude à l’Institut d’études canadiennes de l’Université McGill.

L’étude, publiée lundi, souligne que les Canadiens vivant à l’étranger paient souvent des impôts, mais sont exclus de certains avantages associés à la citoyenneté, comme l’accès aux soins de santé et la possibilité de voter aux élections provinciales.

Les Canadiens peuvent voter au niveau fédéral dans la circonscription où ils ont vécu pour la dernière fois, mais seulement 34 144 personnes ont exercé leur droit aux élections générales de 2019.

Statistique Canada a estimé en 2016 qu’environ quatre millions de Canadiens vivaient à l’étranger, soit entre 2,9 et 5,5 millions de personnes.

Environ la moitié d’entre eux ont acquis la citoyenneté par l’intermédiaire de leurs parents canadiens, tandis que le tiers sont nés en sol canadien. Les 15 % restants des Canadiens vivant à l’étranger sont nés à l’étranger et sont devenus des citoyens naturalisés.

Les données de la Fondation Asie Pacifique du Canada suggèrent que les Canadiens à l’étranger sont particulièrement concentrés aux États-Unis, à Hong Kong et au Royaume-Uni.

L’étude commandée par M. Woo fait état de rapports antérieurs suggérant que les Canadiens sont plus enclins que leurs pairs d’autres pays comparables à déménager à l’étranger pour travailler, mais qu’ils sont également plus susceptibles de revenir au Canada plus tard dans leur vie.

M. Woo croit qu’Ottawa devrait créer une stratégie sur la manière de soutenir les expatriés canadiens et de tirer le meilleur parti de leurs relations et de leurs compétences. Il a noté que ce groupe est plus grand que la population de provinces entières.

«Une façon pour nous d’être mieux connectés au monde est d’exploiter notre communauté de citoyens vivant à l’étranger», a-t-il déclaré.

«Ils constituent, à mon avis, un atout caché pour le pays. Mais nous ne savons pas vraiment comment utiliser au mieux cet atout caché, c’est pourquoi l’idée maîtresse du rapport est d’appeler à une réflexion plus approfondie.»

Selon lui, cela pourrait aider Ottawa à utiliser ces «ambassadeurs non officiels» pour mieux comprendre le monde et renforcer l’image du Canada à une époque où la géopolitique devient de plus en plus complexe. 

M. Woo a affirmé que cela pourrait également atténuer l’antipathie ou le ressentiment que les Canadiens pourraient ressentir à l’égard de ceux qui vivent à l’étranger, dont ils n’entendent parler que lorsqu’Ottawa évacue des citoyens de zones de crise, comme la bande de Gaza, le Soudan ou Haïti.

«Ils ne représenteront le Canada que dans la mesure où celui-ci souhaite qu’ils fassent partie de la nation dans son ensemble», a-t-il soutenu.

L’étude s’attarde à la manière dont d’autres pays traitent les populations de la diaspora à l’étranger.

Par exemple, la stratégie des affaires étrangères de l’Irlande comprend la promotion des contributions apportées dans le monde entier par les personnes nées en Irlande et émigrées, ainsi que par les descendants des Irlandais.

L’Inde organise chaque année une journée de célébration des réalisations de ses citoyens à l’étranger, indique l’étude, au cours de laquelle le président indien remet des prix aux expatriés qui ont fait leur marque dans d’autres pays.

Des pays comme la France disposent de représentants parlementaires dédiés aux citoyens vivant à l’étranger.