Une députée du NPD dépose un projet de loi pour légiférer sur le contrôle coercitif

OTTAWA — La députée néo-démocrate Laurel Collins raconte qu’elle a commencé à s’intéresser de près à la question du contrôle coercitif lorsque sa sœur s’est présentée à sa porte en larmes.

La députée de Victoria affirme que le conjoint de sa sœur lui a confisqué ses clés, ses cartes bancaires et son téléphone portable avant de tenter de l’empêcher de partir.

«Heureusement, elle avait un autre trousseau de clés», a relaté Mme Collins aux journalistes.

«C’était la première fois que j’en étais témoin, mais au cours des années suivantes, cela s’est produit encore et encore», a ajouté l’élue.

Mme Collins a partagé une partie de l’histoire de sa sœur lors d’une conférence de presse, jeudi, sur la colline du Parlement, alors qu’elle appelait les députés à soutenir son projet de loi d’initiative parlementaire visant à criminaliser un modèle de comportement connu sous le nom de contrôle coercitif.

Lors d’un débat sur le projet de loi jeudi soir, les libéraux au pouvoir et les conservateurs de l’opposition lui ont tous deux offert leur soutien – même si certains ont exprimé des inquiétudes quant à la manière dont il serait mis en œuvre.

Flou juridique

Les experts ont défini le contrôle coercitif comme un ensemble de comportements qu’un agresseur utilise pour susciter la peur et isoler une victime de ses amis et de sa famille. Les exemples incluent le contrôle de l’accès d’une personne à l’argent ou la surveillance et la restriction de ses mouvements.

Le projet de loi de Mme Collins ne définit pas ce qu’est une conduite contrôlante ou coercitive, mais cherche à modifier le Code criminel pour en faire une infraction dans les cas où elle est «susceptible d’avoir un impact significatif sur cette personne».

Cela pourrait inclure de faire craindre à quelqu’un que la violence puisse être utilisée contre lui, de le forcer à modifier sa communication avec les autres ou de l’amener à s’absenter du travail ou de l’école.

Même si le terme est peut-être nouveau, a déclaré la députée conservatrice Michelle Ferreri à la Chambre, la plupart savent à quoi il ressemble.

Une de ses amies a vécu une expérience dans laquelle elle et ses enfants étaient «des otages dans leur propre maison», a déclaré Mme Ferreri aux députés.

«Je me souviens avoir été au téléphone avec elle plusieurs fois et elle m’a dit: « Eh bien, il ne me frappe pas, donc ce n’est pas si grave »», se souvient-elle.

«J’ai dit: OK, mais vous n’avez pas d’argent en banque, vous n’êtes pas autorisée à aller où vous voulez, vous n’avez pas votre propre téléphone et vous avez peur de quitter votre maison. C’est de l’abus.»

Lisa Hepfner, qui est la secrétaire parlementaire de la ministre des Femmes et de l’Égalité des genres, Marci Ien, a déclaré à la Chambre, au nom du gouvernement libéral, qu’elle était fière d’appuyer le projet de loi.

Mais elle a suggéré que la question devait être examinée attentivement, en tenant compte des problèmes rencontrés dans d’autres pays, comme l’Angleterre et l’Écosse, où une telle infraction existe.

«Rassembler des preuves dans ces affaires constitue un défi important pour la police et les procureurs», a-t-elle déclaré.

Mme Collins a reconnu qu’une formation serait nécessaire pour les juges, les procureurs et les autres acteurs du système judiciaire.

Le projet de loi du NPD permettrait de porter des accusations contre les agresseurs dans les deux ans suivant la fin d’une relation.

Deuxième tentative

C’est la deuxième fois au cours des dernières années que le NPD fédéral présente une telle mesure législative.

Randall Garrison, député de la Colombie-Britannique, avait présenté son propre projet de loi sur la question il y a deux ans. Mme Collins affirme que sa législation s’appuie sur son travail.

Cet effort initial est intervenu alors que les refuges et les travailleurs de première ligne ont signalé une augmentation des violences conjugales à la suite de la pandémie de COVID-19, lorsque les organismes de santé publique ont imposé des confinements généralisés pour tenter d’empêcher la propagation du virus.

En avril 2021, une commission parlementaire a approfondi la question. Son rapport final indique que les lois canadiennes existantes ne prennent pas suffisamment en compte le comportement de contrôle qui, selon les experts, précède souvent des actes de violence physique plus graves.

Parmi ses recommandations, on appelait Ottawa à revoir le droit pénal existant et à envisager de rédiger une législation visant le contrôle coercitif.

L’Association canadienne des chefs de police affirme avoir demandé à plusieurs reprises au gouvernement du premier ministre Justin Trudeau de créer de nouvelles infractions spécifiquement ciblées sur le contrôle coercitif.

Dans un communiqué publié jeudi, l’association a déclaré que les lois actuelles utilisées pour poursuivre les cas de violence domestique traitent des altercations physiques et des incidents spécifiques, et ne permettent pas à la police d’intervenir dans les cas où un « comportement clairement coercitif » est présent.

Recommandations

Mme Collins a déclaré que plus de deux ans après que son parti a tenté de combler cette brèche, rien n’a changé.

«(Le gouvernement se vante) d’être le champion des femmes, mais en fin de compte, ce ne sont que des mots et ce dont nous avons besoin, c’est d’actions», a-t-elle déclaré.

Mme Collins a déclaré jeudi qu’elle avait obtenu un engagement de soutien pour son projet de loi de la part de David Lametti, l’ancien ministre de la Justice des libéraux.

Le ministre de la Justice, Arif Virani, s’est dit ouvert à la criminalisation du contrôle coercitif dans une lettre qu’il a écrite cet été au coroner en chef de l’Ontario, à la suite d’une enquête sur le meurtre de trois femmes en 2015 dans la région du comté de Renfrew.

En septembre de cette année-là, Carol Culleton, Nathalie Warmerdam et Anastasia Kuzyk sont toutes mortes aux mains de Basil Borutski, qui avait des antécédents criminels de violence contre les femmes.

Le rapport final de la commission d’enquête sur la fusillade de masse de 2020 en Nouvelle-Écosse qui a fait 22 morts, a également recommandé que davantage de mesures soient prises pour lutter contre le contrôle coercitif.

Au moins un expert en violence conjugale a déclaré que le tireur avait soumis son épouse à des tactiques de contrôle et d’intimidation pendant des années avant de se déchaîner mortellement en avril 2020.

L’Association canadienne des chefs de police affirme avoir demandé à plusieurs reprises au gouvernement du premier ministre Justin Trudeau de créer de nouvelles infractions spécifiquement ciblées sur le contrôle coercitif.

Dans un communiqué publié jeudi, l’association a déclaré que les lois actuelles pour les cas de violence conjugale traitent des altercations physiques et des incidents spécifiques, et ne permettent pas à la police d’intervenir dans les cas où un «comportement clairement coercitif» est présent.

Mme Collins a déclaré que les défenseurs qui soutiennent les femmes confrontées à la violence conjugale ont qualifié une telle législation d’étape «cruciale».

Les statistiques fédérales de 2018 montrent que 44 % des femmes qui ont eu une relation ont déclaré avoir subi une forme de violence de la part d’un partenaire.

Le Canada dispose déjà d’une disposition dans la Loi sur le divorce qui stipule qu’un tribunal devrait prendre en compte la violence familiale, y compris les «comportements coercitifs et contrôlants», lorsqu’il s’agit de rendre des ordonnances de contact concernant des enfants.

Un porte-parole du bureau de M. Virani a déclaré que le gouvernement ferait connaître sa position sur son projet de loi lors du débat à la Chambre, qui devait commencer plus tard jeudi après-midi.