VNO, Zika, dengue et fièvre jaune sont dans la mire d’un chercheur montréalais

MONTRÉAL — Le réchauffement de la planète pourrait exposer les humains aux piqûres de moustiques en mesure de leur transmettre des virus dont on ne sait encore rien, prévient un chercheur montréalais qui vient de décrocher un financement pour étudier la question.

Le professeur Laurent Chatel-Chaix, de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), a obtenu une subvention de 700 000 $ des Instituts de recherche en santé du Canada pour percer le mystère des flavivirus, qui sont transmis par les moustiques responsables de maladies comme la dengue, la fièvre jaune ou le Zika.

Le virus du Nil occidental, qui a été identifié au Québec pour la première fois en 2002, est également un flavivirus.

On ne dispose pour le moment d’aucun traitement ou vaccin efficace contre les virus du Nil occidental, de la dengue ou Zika. De plus, des variations dans la démographie des insectes, et causées entre autres par les changements climatiques, pourraient entraîner la circulation de flavivirus dont on ignore même l’existence, a dit M. Chatel-Chaix.

«Il y a probablement plein de flavivirus qui circulent et qui sont encore inconnus et qui potentiellement un jour pourraient émerger et affecter la santé humaine et animale aussi», a-t-il expliqué.

Le but de ses travaux, a-t-il précisé, est «de comprendre comment ce virus parasite l’intérieur de la cellule infectée», afin de pouvoir ensuite développer des thérapies pour le combattre.

Le virus du Nil occidental est endémique au Canada et peut causer une encéphalite grave et potentiellement mortelle. Le Québec a connu en 2018 un nombre record de cas d’infections à ce virus, avec 201 cas et 15 décès répertoriés par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Le virus de la dengue cause la maladie virale transmise par les insectes la plus répandue au monde. L’infection par le virus Zika peut entraîner de graves anomalies neurodéveloppementales chez les nouveau-nés, y compris une microcéphalie congénitale. Une épidémie de Zika qui a pris naissance au Brésil a touché plusieurs pays d’Amérique en 2015-2016, créant une telle panique que certaines femmes ont choisi de reporter leur grossesse à plus tard.

M. Chatel-Chaix, un spécialiste de la virologie moléculaire, s’intéresse à ce qui se passe à l’intérieur de la cellule infectée et tente de comprendre comment le flavivirus parasite les organites de la cellule à son avantage.

«Il faut savoir comment il prend le contrôle des ressources de la cellule et puis trouver des mécanismes qui sont communs à tous ces virus, a-t-il expliqué. Ça nous permettrait de trouver des cibles thérapeutiques pour des médicaments qui pourraient marcher contre tous ces virus-là.»

Aménagement intérieur

Quand le flavivirus entre dans une cellule, a dit le professeur Chatel-Chaix, «il chamboule complètement l’organisation intérieure de la cellule».

«C’est comme de l’aménagement intérieur, si vous voulez, a-t-il illustré. Le virus reprogramme les fonctions de plein de compartiments, et moi je m’intéresse à un compartiment dans la cellule qui est impliqué dans la production d’énergie.»

Le virus réussit aussi à faire taire les systèmes d’alarme qui, normalement, devraient alerter la cellule de la présence d’un intrus et déclencher une réponse immunitaire. Le virus parvient plutôt à se répliquer en toute tranquillité à l’intérieur de la cellule pendant un certain temps, avant que sa présence ne soit finalement détectée.

L’équipe du professeur Chatel-Chaix travaille en ce moment sur la protéine NS4B, qui est présente chez les flavivirus et qui joue un rôle critique dans la réplication du génome du virus dans la cellule.

Dans le domaine de la virologie, prévient-il, les changements climatiques représentent «un vrai problème».

Non seulement le réchauffement planétaire permet-il à certains insectes de mieux s’adapter aux villes, a-t-il dit, mais «on sait déjà que certains moustiques qui transmettent des maladies comme le virus Zika, le virus chikungunya, le virus de la fièvre jaune, eh bien ces moustiques sont en train de coloniser les territoires nordiques».

«En fait, on en aurait même déjà détecté au sud du Canada, a indiqué le professeur Chatel-Chaix. Potentiellement, si ces moustiques colonisent le sud du Québec, ils pourraient amener des maladies.»

Le dégel du pergélisol qui remet en circulation des pathogènes congelés depuis des milliers d’années est aussi inquiétant, a-t-il dit.

Quand le SRAS-CoV-2 a émergé, les connaissances acquises avec l’étude du SRAS original ou du syndrome respiratoire du Moyen-Orient se sont révélées bien utiles, a rappelé le chercheur. Donc, si un nouveau flavivirus frappe dans 10 ou 20 ans, le savoir emmagasiné dès aujourd’hui pourrait être précieux.

«C’est un peu la même philosophie, si vous voulez, a-t-il conclu. C’est de se préparer en amont pour que si jamais il y a de nouveaux virus qui émergent, alors on a déjà des connaissances basées sur le fait que des virus d’une même classe utilisent des mécanismes communs pour se répliquer dans la cellule et causer des maladies.»