Un hiver clément pour la faune
FAUNE. Les chutes de neige moins abondantes, jumelées à la quasi-absence de froid rigoureux, auront des effets bénéfiques sur la faune dans la région, estime le biologiste Jean-François Dumont du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. L’hiver moins rigoureux et l’arrivée d’un printemps hâtif ont permis aux espèces séjournant en forêt de se déplacer plus aisément et de se nourrir, ce qui devrait avoir des effets bénéfiques sur les populations, notamment pour le chevreuil selon lui.
« Ils l’ont eu facile. Moins de neige facilite leurs déplacements. Ils peuvent ainsi passer d’un peuplement forestier à un autre plus facilement pour se nourrir ou encore se protéger du froid et même ruminer », fait-il valoir.
Il y a eu assurément moins de morts naturelles, selon son évaluation. « Les femelles gestantes auront eu de belles conditions de vie. Quand celles-ci sont en meilleure santé, leurs réserves sont bonnes pour la mise-bas et l’allaitement. »
M. Dumont confirme que les chutes de neige ont été moins abondantes en forêt au cours des derniers mois. « C’est sommairement 50 % moins d’accumulation que la moyenne depuis 1976. La mesure d’enfoncement a été de 30 % moindre que l’habitude, ce qui permet de présumer que la survie des chevreuils sera bonne, surtout chez les jeunes de moins d’un an et les mâles adultes. Les femelles survivent généralement bien aux hivers traditionnels, étant plus résilientes au froid et à la neige. »
Le biologiste se base sur la présence de stations de mesure de neige dans la région, notamment à Armagh, Saint-Joseph et Beauceville. « Nous allons mesurer l’épaisseur de la neige et l’enfoncement. La compaction de la neige est une donnée qui nous permet de mesurer si les chevreuils ont pu porter sur la neige.»
Des survols dans le secteur de Saint-Georges ont aussi permis de voir que les ravages étaient plus étendus qu’à l’habitude. « Ils n’ont pas eu à se confiner et ont eu moins besoin de leur réseau de pistes qu’ils suivent habituellement. Ils ont occupé des superficies plus larges. Dès que la neige s’accumule, ils se regroupent davantage et lorsque cela se produit, ils en viennent à compétitionner davantage pour la nourriture disponible. »
Les abords des routes
Cette situation fait que les chevreuils risquent d’être plus nombreux, notamment aux abords des routes. « Une population plus abondante est à prévoir, mais surtout en juin lorsque la mise-bas sera complétée. Il est fort possible qu’il y ait plus d’animaux qui seront actifs sur le territoire. »
Contrairement à certaines croyances, les prédateurs ont peu d’effet sur les populations de chevreuils, indique Jean-François Dumont, puisqu’ils ne sont pas si nombreux au départ et pas très efficaces. « Le phénomène existe, mais bon an mal an, ils vont saisir des opportunités locales, comme un ravage, mais ce ne sont pas tous les coyotes, ou en de très rares occasions, les lynx qui vont s’en prendre à de petits chevreuils ou des animaux malades ou vieillissants. Il y a peu ou pas de loups chez nous, ce qui est un avantage par rapport à d’autres régions. »
Les chevreuils ont d’ailleurs commencé leur dispersion sur le territoire plus tôt qu’à l’habitude à la suite de la fonte des neiges en mars, raison pour laquelle quelques collisions avec des véhicules ont déjà été rapportées. « Ils sont passés des boisés aux champs lorsque la verdure de l’an dernier est devenue disponible. Généralement, c’est à ce temps-ci qu’ils entament la conversion de leur régime alimentaire pour des plantes herbacées qui n’ont pas gelé pendant l’hiver. Leur présence dans les champs est aussi pour profiter du soleil, ce qui leur permet d’économiser de l’énergie. »
Il ajoute que certains cervidés vont faire des migrations de 5-6 kilomètres et d’autres davantage pendant leur dispersion sur le territoire. Il faut s’attendre à ce que les cerfs qui traversent les routes soient plus nombreux au cours des prochaines semaines, car ils vont rejoindre leur habitat d’été.
Les automobilistes doivent donc redoubler de prudence aux endroits habituels. « Il y a peu de changements à ce niveau. Le secteur de Saint-Malachie – Saint-Léon sur la 277, celui de Saint-Odilon – Lac-Etchemin sur la 276 et la 204 entre Saint-Prosper et Saint-Georges sont encore les endroits névralgiques. Il y aussi celui de Frampton également, où il y a des pochettes qui se développent », précise le biologiste.
L’orignal en progression
Jean-François Dumont remarque aussi que la population d’orignaux est en progression dans la région, ce qui représente une bonne nouvelle pour les amateurs de chasse. « Nous sommes un peu en récupération, car notre cheptel commençait à s’essouffler. C’est pourquoi il n’y a pas eu de chasse aux femelles depuis quelques années, mais c’est une chose qui pourrait changer bientôt. Il y a une grosse pression de chasse dans la zone 3. Si tout va bien, la récolte de cette année devrait permettre un retour à la normale dès l’automne 2021. Les travaux du plan de gestion de l’orignal doivent d’ailleurs débuter bientôt. »
Si l’orignal a peu de difficulté dans nos hivers québécois, son principal ennemi à l’heure actuelle est, en fait, un moustique. « La tique est très présente et presque tous les orignaux en sont porteurs. Eux aussi ont toutefois pu conserver de l’énergie grâce à l’hiver clément que l’on a connu. On doit apprendre à composer avec ce parasite et d’autres aussi, dont certains vers. »
Chasse au dindon
Soulignons que les chasseurs peuvent déjà parcourir les forêts à la recherche de gibier, puisque la chasse au dindon sauvage débutait le 30 avril dernier. Jean-François Dumont s’attend d’ailleurs à une hausse de la participation à ce niveau. « Les gens ont du temps en raison de la pandémie, alors on a vu une hausse de la pratique autant pour le dindon que pour l’ours noir. On risque de voir de nouveaux adeptes apparaître et d’autres revenir à la pratique et tout cela est attribuable à la pandémie. »
Il signale que les secteurs de Montmagny – L’Islet et de la Beauce sont des endroits où l’on trouve de bonnes populations de dindons sauvages. « Ce sont des habitats favorables. Les installations agricoles sont attrayantes pour eux. Pour l’instant, il n’y a pas de problématiques particulières à ce niveau. »
Jean-François Dumont remarque enfin que des propriétaires de boisés ont eu des difficultés avec certaines espèces depuis le début du printemps, notamment les castors qui, avec la construction de barrages, provoquent des dégâts à certains endroits. Il précise que ces derniers peuvent intervenir pour éviter des dommages à leur propriété.
« L’article 67 de la loi sur la conversation et la mise en valeur de la faune prévoit que les gens ayant des dommages à leur propriété et ayant tenté d’empêcher l’animal d’être en cause sont en droit de prendre action pour éviter que cela se reproduise. »
La diminution des activités de piégeage serait d’ailleurs en cause dans ces cas-là. « C’est possiblement en raison du contexte défavorable pour la mise en marché des fourrures, comme on ne l’a jamais vécu avant. Les castors n’ayant pas été attrapés l’automne dernier remettent à jour leur habitat, ce qui a des effets sur les propriétaires de boisés privés. »